Je ne sais qu’une chose c’est que je ne sais rien », explique-t-il avec une sage humilité. Il faut s'efforcer de rechercher toujours la vérité pour traquer la suffisance et l’ignorance. Lorsque le procès s’achève, le spectateur sourit jaune à l’ironie socratique qui fait écho à sa réalité. Comme pour les jurés du
On me pose souvent la question qu’est-ce que la philosophie ? – A quoi sert-elle ? Dans la mesure où un chapitre de mon blog est destiné à élucider ces questions, je supprime d’ordinaire ces messages. Mais ils sont, sans doute, le signe, que certains internautes sont en quête d’un cours synthétique comblant une curiosité bien légitime celle du lycéen n’ayant jamais fait de philosophie ou celle de l’honnête homme ayant parfois des doutes sur l’intérêt d’une discipline trop souvent galvaudée sur la scène publique. Car la philosophie est à la mode mais il n'est pas sûr que ceux qui en assurent le succès médiatique en soient les plus fidèles serviteurs. Reste que, comme le montre la fréquentation des grands philosophes, rien n'est plus problématique que la réponse à une telle question. Cela tient au fait que la définition de la philosophie est en jeu dans le questionnement et la pratique philosophiques eux-mêmes. Chaque auteur incarne l'intentionnalité philosophique à sa manière, en réactualise la nature et les fins de telle sorte qu'il peut être intéressant d'en décrire les variantes. Mais ce n'est pas mon objectif dans cet article où je cherche avant tout à saisir l'intentionnalité philosophique elle-même dans ce qu'elle a de plus essentiel. D'où ce cours où je défends une certaine IDEE de la philosophie, celle que Platon attribue à Socrate et qui inspire la plupart des cours du premier chapitre de ce blog. Cette IDEE peut être discutée par tous ceux qui, de l'intérieur de la philosophie, sont conduits à la problématiser, mais il me semble qu'on ne peut pas, sans contradiction, disqualifier radicalement la posture socratique et se prétendre philosophe. Qu’est-ce donc que la philosophie ? Quelle est sa nature et quels sont ses enjeux ? L’étymologie du mot fournit une première indication. Selon la terminologie grecque, φιλοοφία est composé de φιλεῖν, aimer » et de οφία, la sagesse, le savoir» , la philosophie se définit comme amour de la sagesse. Mais que faut-il entendre par là ? I Le philosophe n’est pas le sage. Il importe de souligner qu’en se présentant comme un amoureux de la sagesse, le philosophe annonce clairement qu’il ne prétend pas être un sage. Le φιλοοφ n’est pas le οφ, ce Sage qui était l’objet d’un culte dans la Grèce antique. [Pour mémoire Le chiffre sept étant considéré comme celui de la sagesse, la tradition voulait que ces Sages fussent au nombre de sept. La liste de ces sept personnes avait été arrêtée par les prêtres de Delphes selon l'oracle en 585 av. Mais elle peut varier selon les historiens. Il s'agit, selon Diogène Laërce de Thalès de Milet, Bias de Priène, Solon d’Athènes, Chilon de Sparte, Périandre de Corinthe, Épiménide de Crète, Phérécyde de Syros, Pittacos de Mytilène, Cléobule de Lindos à Rhodes, Myson originaire d’une obscure bourgade continentale et Anacharsis fils d’un roi barbare et d’une Grecque]. La figure du philosophe, celle de Socrate, émerge historiquement par contraste avec celle du Sage. Certes, celui que l'on a appelé le père de la philosophie » fut reconnu par l’oracle de Delphes comme l’homme le plus sage d’Athènes. Mais la réponse de la Pythie à la question de son ami Chéréphon, ne cesse d’étonner Socrate. Il ne comprend pas qu’on puisse lui faire cet honneur, car s’il y a quelque chose qui le distingue de ses concitoyens, c’est bien la conscience de son indigence. Il proclame haut et fort ne rien savoir. Tout ce que je sais, c’est que je ne sais pas, dit-il, et s’il interroge sur la place publique les hommes qu’il croise, sur les grands sujets qui devraient préoccuper la conscience humaine, il ne prétend pas connaître la réponse à ses questions. Etrange figure que celle de cet homme dont la mission consiste à éveiller les hommes à la conscience d’eux-mêmes. Il les exhorte à se connaître eux-mêmes, à se réfléchir dans le mystère de leur condition. Or ramenée à sa vérité existentielle, celle-ci est celle d’un être travaillé par l’énergie du désir. Vivre, pour chacun d’entre nous, c’est désirer, c’est nous projeter vers des objets ou des buts dont nous attendons l’accomplissement de notre existence. Mais que désirons-nous vraiment ? En disant qu’il n’a qu’un seul savoir, le savoir d’Eros, l’amour-désir, [ Moi qui fais profession de ne savoir que l’amour » Banquet, 177d], Socrate se présente comme celui qui dramatise dans sa personne la réponse à cette interrogation. Il signifie d’abord qu’un être de désir est un être privé de la plénitude des dieux. Le désir est la marque en creux d’un manque, d’une pauvreté ontologique car on ne désire pas ce que l’on possède, seulement ce dont on est privé. Mais pour tendre vers ce qui pourrait nous combler, il faut bien avoir conscience de ce manque et en ce sens le désir est riche, car seul celui qui a l’intelligence de sa misère est en mesure de la surmonter. Socrate est donc à la fois pauvre et riche. Comme Eros, dont il se veut l’archétype, sa nature est ambiguë. Il n’a pas la perfection des dieux mais il tend vers elle et s’il nomme sagesse ce qui permet au désir d’avoir l’intelligence de lui-même et de ne pas se fourvoyer dans des impasses, c’est que le souverain bien de la vie n’est pas offert aux hommes comme un don du ciel. Son vrai nom, c’est le bonheur et il se trouve qu’il n’y a pas de bonheur possible sans la compréhension de ce qui peut nous rendre heureux et la mise en œuvre des moyens appropriés à cette fin. Voilà pourquoi de désir philosophique ou désir de sagesse est au fond le savoir et la sagesse du désir. Non point que la sagesse soit en soi la fin de l’existence. Ce que nous visons comme la fin suprême, c’est la réussite de notre vie, son accomplissement, mais sans la sagesse, cette fin est compromise. Voilà pourquoi les Anciens la définissent comme la méthode de la vie bonne et heureuse. Ce faisant, ils confèrent à la philosophie sa dimension existentielle. Ce qui est en jeu en elle, c’est bien autre chose qu’un simple exercice intellectuel, ce n’est rien moins que notre être et notre vie dans ce qui nous importe le plus, à savoir le bonheur. II Analyse de la notion de sagesse. A première vue, par les temps qui courent, il faut bien reconnaître qu’elle ne définit pas un idéal réjouissant. La mode est à tout ce qui est contre » ou anti » Cf. la contreculture, l’antiphilosophie, l’anti-art etc.. Peu importe que ce qui se croit anticonformiste soit le comble du conformisme ambiant, il n’en demeure pas moins que les idéaux traditionnels de la sagesse semblent bien désuets. La passion, la dépossession de soi-même, le délire, les exaltations sociales ou personnelles revêtent plus de prestige dans une société du spectacle que les sobres vertus du philosophe socratique. Or si l’on en juge par la consommation que nos contemporains font des psychotropes ou des psys » tout court, on n’a pas l’impression que la fascination des passions et de leurs excès soit le sésame du bonheur. Alors, ne soyons pas piégés par les préjugés du moment et voyons ce qu’il faut entendre par sagesse. En un premier sens, le terme est synonyme de savoir le philosophe est un amoureux du savoir et la sagesse définit un idéal théorique. En un deuxième sens, il renvoie à une certaine manière de se conduire. Le philosophe se reconnaît à une posture existentielle marquée par le sens de la mesure, la sérénité, le contentement, l’accord avec soi-même et avec le monde la sagesse définit alors un idéal pratique. Cette distinction entre la polarité théorique et la polarité pratique de la sagesse est purement spéculative car les deux idéaux s’impliquent réciproquement. Il est vain de croire que l’on puisse être sage sans être éclairé ou que l’on puisse exercer sa pensée avec rectitude dans la violence des passions ou le dérèglement de la conduite. Les Anciens avaient deux mots pour désigner les deux dimensions de la sagesse sophia pour le savoir ou sagesse théorique et phronésis pour la sagesse pratique ou prudence. A La sagesse comme idéal théorique. Le recours à l’idée de sagesse ne va pas de soi lorsqu’il est question du savoir car on oppose d’ordinaire le savoir à l’ignorance non à ce que connote l’absence de sagesse, et que pour aller vite on qualifie parfois de fou ». Il s’ensuit qu’on a peine à croire que, comme il y a des conduites folles », il y a des pensées folles ». Or si l’on entend par là le caractère insensé, aberrant, irréfléchi, infondé des représentations et du discours, il faut bien reconnaître que le manque de sagesse n’est pas le monopole des grands délirants. Ceux-ci ont au moins l’avantage d’exhiber clairement la couleur mais on peut se demander s’ils ne font pas que pousser à la limite un désordre ne sévissant pas que dans l’enceinte de l’hôpital psychiatrique. Car il ne suffit pas d’être sain d’esprit pour être à l’abri de l’ignorance, des aveuglements, de la bêtise et de la bassesse et c’est sans doute parce qu’il a une conscience aiguë de ce qui menace toujours l’exercice de l’esprit que le philosophe a une singularité parmi les siens. Il vit de la même vie que tout le monde et pourtant il y a en lui une altérité irréductible dont le prix est la solitude dans le meilleur des cas, la condamnation à mort dans celui de Socrate. C’est que le grand détour qui se nomme philosophie change tout et d’abord la manière commune de penser. Comme tel, le philosophe est souvent vécu comme une offense vivante par tous ceux qui veulent se sentir au chaud dans leurs certitudes. Et ceux-ci ne se trompent pas. La pensée est dangereuse par nature. Elle est comme un grand vent qui balaie le confort intellectuel, subvertit les habitudes mentales, et toujours fait honte à la bêtise et à la bassesse, pour reprendre une formule de paternité nietzschéenne. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Pour s’en faire une idée précise, il est urgent de comprendre ce que penser veut dire. 1 Pensée immédiate, pensée philosophique. Tous les hommes, du plus sauvage au plus civilisé, étant porteurs d’un esprit, tous en font usage et si penser consistait seulement dans cet exercice, il faudrait dire que tous les hommes pensent. Tous, en effet, vivent dans un monde de significations et de valeurs. Le réel n’est pas pour eux une présence muette, il est le corrélat du dévoilement qu’en opèrent la langue qu’ils parlent et la culture à laquelle ils appartiennent. C’est dire que tous visent du sens, se communiquent des significations et des valeurs structurant leur rapport au monde et celui qu’ils entretiennent entre eux. Parce qu’il est parlant, l’homme est un être pensant. En ce sens, la pensée n’est le monopole de personne, elle est le propre de l’humaine condition, même dans ses formes pathologiques car les paroles du malade mental, pour délirantes qu’elles soient, ne sont pas dénuées de sens. Et pourtant il ne suffit pas de faire usage de son esprit dans la parole pour penser vraiment. L’enfant parle mais nul enfant n’est l’auteur d’une œuvre philosophique et pendant des millénaires, des hommes ont vécu dans des sociétés ayant ignoré ce que penser veut dire. C’est donc qu’il y a une grande différence entre ce que l’on peut appeler la pensée immédiate, spontanée et la pensée philosophique ou pensée tout court. L’une se déploie sous le signe de la passivité, l’autre sous celui de l’activité. L’une s’effectue sous le signe de la dépossession de la maîtrise spirituelle et morale, l’autre sous celui de la réappropriation de cette maîtrise. De fait, tant que ce que l’on pense est la caisse de résonance de représentations ayant été construites à notre insu par l’éducation que nous avons reçue et par notre milieu culturel d’appartenance, il est erroné de prétendre que nous sommes le sujet actif de nos pensées. Celles-ci ont été fabriquées, indépendamment de notre initiative intellectuelle par des instances extérieures dont nous sommes inconsciemment le jouet. Nous les avons absorbées avec le lait maternel au cours de notre développement par le seul fait d’être immergé dans un contexte familial, social, historique et d’apprendre à parler une langue particulière, car aucune langue n’est un décodage neutre de la réalité. Toutes analysent le réel conformément aux intérêts, aux traditions, à la situation singulière de tel ou tel groupe. Il s’ensuit que sous sa forme immédiate, la pensée est moins de l’ordre du pensé que de l’impensé. Elle fonctionne à l’intérieur d’un système de représentations dont elle subit, sans en avoir conscience, le déterminisme idéologique. Aussi est-elle le porte-parole de significations dont elle est prisonnière. Celles-ci ont tellement bien été intériorisées qu’elles se sont solidifiées sous la forme d’habitudes mentales s’imposant avec une telle évidence qu’elles constituent des obstacles internes à l’activité pensante. C’est dire qu’on ne pense pas comme on respire et qu’il ne suffit pas de disposer d’un esprit pour penser vraiment. C’est pourquoi la philosophie n’est pas une pensée au premier degré. La pensée véritable s’accomplit toujours comme pensée de la pensée c’est-à-dire comme mouvement de retour de l’esprit sur lui-même afin de soumettre ses productions à l’examen rationnel. Elle s’actualise donc comme reprise critique de ce qui jusqu’alors allait de soi. Elle marque le moment où le sens cesse d’être accepté comme sens reçu pour devenir un sens problématique. Elle constitue donc un point de rupture entre un avant et un après, ce que Socrate soulignait en disant que la vie philosophique est une sorte de seconde naissance. Et cela vaut aussi bien pour l’humanité en général que pour l’homme en particulier. Pour l’humanité en général, c’est patent, si l’on prend acte que la philosophie n’a pas toujours existé. Elle naît à Milet en Asie Mineure au VIème siècle avant ce fait témoignant que l’aventure humaine n’est pas substantiellement liée à l’aventure philosophique. En revanche, elle l’est à la pensée religieuse ou mythologique qui, elle, est de toujours et de partout. Les hommes ont en effet toujours eu besoin de rendre intelligible leur expérience, de comprendre d’où ils viennent, où ils vont, de fonder les règles de leur existence collective, la fonction des récits mythiques étant d’apporter une réponse à leurs questions. La pensée mythique a ainsi précédé la pensée rationnelle. Comme la science et la philosophie, sa vocation a été de produire de l’intelligibilité. Elle a fourni à nos plus lointains ancêtres les significations et les valeurs sans lesquelles aucune vie humaine n’est possible, et aux sociétés le ciment idéologique nécessaire à leur cohésion. Mais il est clair que ce mode de pensée, qui reste vivant pour une grande partie de l’humanité encore, est fondamentalement différent du mode de pensée rationnel. Il fait une large place à l’imaginaire en lieu et place de la raison. Il fait intervenir dans ses explications la croyance en des êtres surnaturels dont les actions sont au principe des choses telles qu’elles sont et telles qu’elles doivent continuer à être sous peine de grands désordres cosmiques et sociaux. Et surtout il a ceci de caractéristique que les récits mythiques ne se présentent pas comme des créations humaines mais comme des révélations divines recueillies par des initiés faisant autorité dans le groupe. Il s’ensuit que le logos le discours rationnel est ce qui se construit à partir du muthos et en rupture avec lui, cette conquête allant de pair sur la scène sociale avec de profondes transformations. Car tant que les significations sont transmises sur le mode d’une tradition sacrée, leur vérité ne se discute pas, pas plus que ne se discute le pouvoir des gardiens du temple qui les imposent. La soumission aux vérités religieuses est soumission à une tutelle théologico-politique dont on ne dira jamais assez qu’il ne suffit pas d’être porteur d’un esprit pour s’en libérer. Ce préjugé idéaliste contribue à méconnaître que la capacité d’initier un rapport critique aux vérités communément reçues est liée à des conditions historiques particulières. 2 Les conditions d’émergence de la pensée philosophique. a Conditions matérielles d’ordre économique. D’abord il faut avoir bien conscience que tant que les ressources de l’esprit sont essentiellement engagées dans la résolution des problèmes pratiques les hommes ne sont pas libres pour faire de la recherche de la vérité une fin en soi. Ils n’en ont ni le temps ni la disponibilité d’esprit. Comme dit le proverbe Vivre d’abord, philosopher ensuite ». En ce sens, la philosophie est un luxe. Elle est liée, d’une part à la richesse d’une société capable de faire émerger une classe d’hommes ayant la liberté de se poser des problèmes théoriques, d’autre part à une organisation sociale inégalitaire, car pour que certains disposent de ce loisir, il faut que d’autres travaillent pour pourvoir aux besoins de la vie. C’est une société esclavagiste, puisant dans le réservoir immense de ses colonies une main d’oeuvre utile à sa prospérité, qui a inventé la philosophie. Il ne faut pas voir dans cette vérité historique dérangeante une souillure de l’activité pensante, ni même considérer que la valorisation de la vie théorétique par les Grecs est purement idéologique comme le prétendent ceux qui ne voient dans leurs valeurs que l’expression et la justification d’une situation d’intérêts. [On appelle idéologique tout système de représentations n'ayant de valeur théorique qu’en façade et reflétant, inconscient de son propre déterminisme, un contexte socio-économique qu'il a pour fonction de justifier]. Il me semble qu’il faut plutôt y voir le témoignage que les activités utilitaires ont par nature un rapport à la servitude. Car avant d’être un scandale social, l’aliénation matérielle est le propre de la condition humaine en tant qu’elle est contrainte, par la nécessité où elle se trouve de satisfaire les besoins animaux, de s’adonner à des tâches qui ne sont pas pour elle des fins en soi mais seulement les moyens de fins imposées par la nature, manger, se vêtir, se loger, se protéger etc.. Elle est condamnée à résoudre le problème de sa survie avant de poursuivre ses fins propres. C’est dire que si le lait et le miel coulaient à flots, elle échapperait au fardeau du travail. Celui-ci est donc le tribut que l’humanité paye au fait qu’elle participe de l’animalité. S’il n’en était pas ainsi, si sa nature était purement spirituelle, l’existence se déploierait d’emblée dans sa liberté et les hommes se consacreraient aux activités qui sont le propre d’un être libre. Les Grecs les appellent les activités libérales, la plus excellente d’entre elles étant l’activité pensante parce qu’en philosophant l’homme ne fait pas autre chose qu’accomplir la fonction qui le distingue de l’animal et le définit dans son humanité. Ainsi donc, si ce fut bien pour échapper à l'ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie, c'est qu'évidemment ils poursuivaient le savoir en vue de la seule connaissance et non pour une fin utilitaire. Et ce qui s'est passé en réalité en fournit la preuve ; presque toutes les nécessités de la vie, et les choses qui intéressent son bien-être et son agrément avaient reçu satisfaction, quand on commença à rechercher une discipline de ce genre. Je conclus que, manifestement, nous n'avons dans notre recherche, aucun intérêt étranger. Mais de même que nous appelons libre celui qui est à lui-même sa propre fin et n'existe pas pour un autre, ainsi cette science est aussi la seule de toutes les sciences qui soit une discipline libérale, puisque seule elle est à elle-même sa propre fin » Aristote, Métaphysique, Livre A, Tome1, Vrin, p. 9. b Condition politique. Il ne suffit pas néanmoins d’être affranchi de la contrainte du travail pour avoir le loisir de penser. En témoigne le fait que de nombreuses sociétés antiques furent prospères et pourtant elles n’ont pas rendu possible l’apparition de la philosophie. Leur manquait la condition politique, celle qui fait de la possibilité d’exercer son esprit de manière autonome un droit inscrit dans le rapport politique. Car tant qu’il est tabou » de mettre en doute les vérités révélées, tant que l’exercice libre de l’esprit expose à la prison ou la mort, la liberté de penser est un leurre. Certes elle peut être le privilège de quelques favorisés des dieux, voués à la clandestinité, mais il ne faut pas surestimer les capacités d’un esprit solitaire. On ne pense pas seul. C’est l’échange, la circulation des idées, leur discussion qui permet à chacun de faire un usage fécond de son entendement. La philosophie suppose donc une société dans laquelle les savants et les penseurs peuvent faire un usage public de la raison. Elle implique que les significations et des valeurs soient discutées dans un large débat public. Là où les esprits éclairés sont condamnés au silence, là où une pensée unique se protège par l’intimidation ou la terreur de toute entreprise critique, les esprits ne sont pas en situation de sortir de l’obscurantisme dans lequel on les enferme. Les Lumières et leur progrès sont donc affaire collective beaucoup plus qu’affaire personnelle. Comme l’écrit Kant Mais penserions-nous beaucoup, et penserions-nous bien, si nous ne pensions pas pour ainsi dire en commun avec d’autres, qui nous font part de leurs pensées, et auxquels nous communiquons les nôtres ? Aussi bien, l’on peut dire que cette puissance extérieure qui enlève aux hommes la liberté de communiquer publiquement leurs pensées, leur ôte également la liberté de penser ». Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ? Vrin, p. 86. Il s’ensuit qu’on se libère collectivement de l’emprise des superstitions ou alors on reste massivement dans une situation de minorité intellectuelle et morale, imputable aux stratégies de domination de ceux qui cherchent à sauvegarder leur pouvoir mais aussi à la lâcheté et à la paresse du plus grand nombre. Il n’est donc pas étonnant que la société qui a inventé la philosophie soit aussi celle qui a inventé la démocratie. La philosophie est fille de la cité » se plaît à dire Jean-Pierre Vernant. Avec cette invention, l’humanité se réapproprie le pouvoir qui avait été jusqu’alors conféré aux dieux, à savoir le pouvoir d’instituer son monde. Les hommes revendiquent le droit de décider des règles de leur vie collective, de discuter de la loi, d’être l’auteur de leur histoire. Cette réappropriation du pouvoir politique marque l’entrée des sociétés dans le régime de l’historicité. Car tant que la source du sens et de la loi est l’instance divine, les hommes n’ont pas la liberté d’être les auteurs de leur aventure. Ils sont hétéronomes. Ils reçoivent leur loi d’en-haut ou d’ailleurs. C’est l’invisible qui règle le visible, le sacré qui règle le profane, l’anhistorique qui régit l’historique. L’homme archaïque vit son histoire en l’annulant. Tous ses actes sont des rites de commémoration, de participation, de répétition du passé fondateur. Comme l’écrit Marcel Gauchet La religion, c’est l’énigme de notre entrée à reculons dans l’histoire » Le désenchantement du monde, Gallimard, 1985, En ce sens l’avènement de la philosophie trace une frontière entre ce que l’on peut appeler avec Jan Patocka la condition pré-historique » de l’humanité et sa condition historique », celle qui a été ouverte par les Grecs. Histoire froide, stationnaire d’un côté, histoire chaude de l’autre. Modestie du sens reçu dans l’une, problématicité du sens interrogé dans l’autre. L’activité pensante ne va donc pas sans situation de crise. Crise du sens, ébranlement du sens reçu, effondrement des repères traditionnels. Est-ce à dire que la philosophie s’accomplisse comme anarchie intellectuelle et politique, triomphe des arbitraires individuels, nihilisme du sens, revendication d’une autonomie anomique ? Certes non, mais pour le comprendre, il importe de bien voir que les conditions matérielle et politique ne suffisent pas encore à rendre possible l’intentionnalité philosophique, il y faut aussi des conditions intellectuelles et morales. c Condition intellectuelle et morale. Conditions aussi difficiles à expliciter qu’à mettre en oeuvre car, une fois les deux premières assurées, seule l’initiative personnelle est en cause. Or rien n’est plus rare de la part des hommes qu’un authentique esprit philosophique, rare et dangereux comme le montre le destin de Socrate. En 399 av. Athènes condamne le philosophe à boire la ciguë, et comme chacun sait, la cité athénienne n’est ni une tyrannie, ni un totalitarisme, c’est une démocratie. Comment s’expliquer une telle tragédie ? N’est-ce pas la preuve que si la liberté politique est nécessaire pour penser librement, elle n’est pas suffisante ? D’autres puissances d’aliénation sont à mettre hors-jeu, d’autres obstacles à surmonter, d’autant plus redoutables qu’ils ne sont pas externes, mais internes à la pensée. Spontanément, en effet, chacun croit qu’être libre de penser consiste à penser ce que l’on veut. On confond volontiers la liberté de la pensée avec la liberté d’opinion. Or opiner n’est pas penser. Tous les hommes ont des opinions mais peu d’hommes pensent. Voilà un paradoxe qui en surprend plus d’un car autant les hommes ont plaisir à s’entendre dire qu’ils sont libres de penser, autant il leur est pénible d’avoir à s’affranchir de ce qui rend cette liberté illusoire. Ils croient naïvement que la liberté de l’esprit est une donnée alors qu’elle est une conquête. En témoignent les attentes des lycéens rentrant en classe de philosophie. Ils en espèrent avant tout des satisfactions narcissiques. Enfin l’occasion va leur être donnée, comme dans un café philosophique, de pouvoir exprimer leurs opinions, d’être pris en sérieux dans ce qu’ils imaginent être leur pensée personnelle ». Et quelle n’est pas leur déception, voire leur irritation lorsque, confrontés au professeur de type socratique, ils sont mis en demeure d’examiner ce qu’ils disent et de découvrir souvent que leur propos ne résiste pas à l’étamine de la raison ! C’est donc que l’acte de penser obéit à certaines exigences. Quelles sont-elles ? Voilà ce qu’il faut maintenant approfondir pour prendre la mesure de la conversion intellectuelle et morale qu’implique l’activité pensante. Car celle-ci ne se déploie pas comme un mouvement naturel. Penser, en effet, c’est s’arrêter. Voyez le penseur du sculpteur Rodin. L’artiste figure dans cette statue, par contraste avec celle qui représente l’homme qui marche, l’opération même de la pensée. Il donne à voir ce qui n’a pas de visibilité car, s’agissant d’un processus spirituel, celui-ci ne se déploie pas, comme le geste physique, dans l’extériorité perceptible. Et pourtant il est lié à une posture corporelle. Le penseur est en arrêt, replié sur soi, comme s’il était mis en situation de changer la direction de son regard, de l’orienter dans une autre direction. Non plus expansion et extériorisation existentielle mais retour sur soi et déploiement des potentialités de l’intériorité spirituelle. L’acte par lequel la pensée se pose dans sa liberté et advient à l’existence est ainsi inséparable d’une certaine attitude mentale définissant en propre l’éveil philosophique. Voyons ce qui le caractérise. 3 Les caractères de l’esprit philosophique. a La faculté de s’étonner. Un sujet pensant est un être renouant avec une vertu de l’enfance consistant à poser un regard étonné sur le monde. Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Pourquoi les choses sont-elles ainsi et pas autrement ? L’étonnement est le contraire de l’inertie intellectuelle, celle qui finit par triompher des questions en leur substituant le confort des réponses reçues. Car l’enfant est à la fois celui qui interroge avec la vivacité d’un esprit curieux, et celui qui fait confiance à l’autorité lui fournissant la réponse. Il est crédule, cette crédulité ayant tôt fait de l’endormir et d’en faire une proie facile pour tous les endoctrinements idéologiques. L’éveil intellectuel a ceci de singulier qu’il fait retrouver la disponibilité de l’enfance au questionnement tout en rompant avec sa naïveté et sa passivité. Les réponses communes ne sont plus ce qui le clôt, elles sont au contraire ce qui le suscite. Surtout quand on prend acte de leur multiplicité et de leur diversité. N’est-il pas étonnant que les réponses des hommes à des questions identiques soient si différentes ? Comment ne pas être interpellé par l’hétérogénéité et les contradictions des représentations humaines ? Le philosophe Epictète disait, en ce sens, que ce qui initie l’effort de penser est moins l’énigme du monde que les contradictions des opinions humaines prétendant la résoudre. Voilà le début de la philosophie. Toutes les opinions sont-elles justes? Comment pourraient-elles l'être si elles se contredisent? – Toutes ne sont donc pas justes, mais du moins celles qui sont les nôtres – Et pourquoi celles-ci plutôt que celles des Syriens ou des Egyptiens? Pourquoi les miennes plutôt que celles de tel ou tel ? – Pas plus les unes que les autres ». Entretiens, II, XI. S’étonner revient donc à rompre avec le familier, autrement dit à faire l’expérience que ce qui jusqu’alors allait de soi a perdu pour nous son évidence. Expérience vertigineuse parfois. Les grands auteurs ne cachent pas qu’il y a dans cette prise de conscience un vécu déstabilisant, angoissant. La tentation est grande de se dérober à la tâche ainsi initiée. Retrouver la quiétude du sens reçu plutôt que s’engager dans l’aventure de la recherche de la vérité. Celle-ci requiert du courage et d’abord celui de cesser de s’aliéner dans des contenus de pensée consacrant son hétéronomie pour examiner avec ses seules ressources ce qu’il en est de leur prétention à la vérité. Est-ce par paresse et par lâcheté, comme l’analyse Kant, que la plupart des hommes n’assument pas cette responsabilité de l’esprit ? Ils renoncent à se servir de leur entendement et semblent se complaire dans leur minorité intellectuelle. Que cette complaisance soit de rigueur dans un contexte social où la pluralité des opinions n’a pas droit de cité, on peut encore le comprendre. Mais que la nécessité de distinguer le vrai du faux ne se fasse pas impérativement sentir là où s’expriment les opinions les plus diverses et les plus contradictoires, voilà qui laisse perplexe. Comment est-il possible que les hommes s’accommodent si bien de la contradiction des réponses données à leur question ? Comment peuvent-ils dire de la même chose, considérée sous le même rapport une chose et son contraire, sans que cette inconséquence ne les dérange ? Il y a là un double scandale pour l’esprit D’abord celui qu’incarne le conflit des opinions. Impossible de s’en satisfaire si l’on est un esprit qui se respecte car le principe de non contradiction et le souci de la vérité sont des exigences essentielles de la raison humaine. Deux propositions contradictoires ne peuvent être simultanément valides. La nécessité de les soumettre à l’examen rationnel s’impose afin de sortir de la contradiction et de faire triompher la vérité. Pourquoi donc si peu d’hommes se sentent tenus de procéder à cet examen ? Cela signifie-t-il que la majorité a renoncé à toute prétention à la vérité ? Car si vérité il peut y avoir, elle ne saurait varier d’un individu à un autre, d’une époque à une autre, d’un groupe à un autre. Là où il y a plusieurs vérités, la cohérence veut qu’il n’y ait pas de vérité du tout. Alors, la complaisance de la plupart des hommes à l’endroit du conflit des opinions témoigne-t-elle qu’ils ont fait le deuil de la vérité ? Nullement et c’est le second scandale. Celui que représente l’inconséquence humaine à revendiquer la vérité pour des énoncés n’ayant aucune légitimité à une telle prétention. Car comment puis-je savoir si ce que je dis est vrai tant que je n’ai pas pris la peine d’examiner si j’ai raison de le croire ? Or tel est le propre de ce que les Grecs appellent la doxa, ou de ce que nous traduisons par l’opinion. Est opinion, toute affirmation n’ayant pas été soumise à un examen critique. Elle est reçue comme vraie sans que l’esprit ne se soit préoccupé sérieusement de savoir si cet énoncé est vrai ou faux. Toutes nos idées premières sont en ce sens des opinions, c’est-à-dire des préjugés, des a priori », des idées toute faites. On les croit vraies mais on ne sait pas si on est fondé à le croire. On ne peut donc pas les étayer sur de solides raisons théoriques, et pourtant elles n’en sont pas moins certaines pour celui qui les énonce. Etrange paradoxe moins une idée est interrogée dans sa valeur de vérité, plus elle revêt le prestige de la vérité pour son adepte. L’opinion est dogmatique par nature. Or le pire ennemi de l’esprit, ce n’est pas l’erreur, c’est le dogme. Retrouver la faculté de s’étonner revient donc à se réveiller d’une sorte de sommeil dogmatique et à devenir disponible pour une véritable recherche de la vérité. C’est à cette tâche que s’emploie Socrate dans son rapport à ses concitoyens. Par la pratique de l’ironie, feinte naïveté, il s’efforce de déstabiliser ses interlocuteurs afin de leur rendre une liberté qu’ils ont perdue. Ils sont tellement persuadés de posséder la réponse aux questions que Socrate leur pose qu’ils ne prennent pas le temps de les réfléchir. Ils sont prisonniers d’un pseudo-savoir que l’interrogation socratique fait éclater en les confrontant à leurs contradictions. Ce faisant, ils prennent conscience de leur ignorance et peuvent initier la conversion intellectuelle et morale dont on a parlé précédemment. De fait, dès lors qu’on s’étonne à nouveau, et d’abord de sa propre inconséquence, on transforme radicalement son rapport au vrai et aux autres. On n’est plus, avec eux, dans une stratégie de pouvoir, où l’enjeu est de leur imposer une vérité dont on se croit titulaire. Il s’agit, à partir d’une inscience enfin consciente d’elle-même, de se disposer à chercher ensemble la vérité qui nous manque. Moment libérateur de la mission socratique. Comme une torpille, elle paralyse mais comme le taon elle réveille. Il faut bien balayer le faux pour rendre possible l’épiphanie du vrai. Et cela passe par la mise en œuvre d’un second caractère de l’esprit philosophique. b Esprit de doute. Douter consiste à cesser de subir l’empire d’une certitude. Servitude intérieure, la certitude l’est car elle est l’état d’un esprit qui adhère à un contenu de pensée qu’il croit ou qu’il sait être vrai. Un esprit absolument certain de quelque chose est privé de toute possibilité de recul pour examiner la valeur de l’énoncé qui le tient autant qu’il y tient. Rien n’est pire que l’adhésion massive, sans réserve, sans pensée de derrière » dirait Pascal. Plus de jeu entre la pensée et son contenu. Plus de liberté. Ce rapport aux idées est le propre du fanatisme, du sectarisme typique des engagements idéologiques. On ne peut pas discuter avec les esprits certains. Soit on les conforte dans leurs convictions, soit on les ignore, ou l’on se bat pour les empêcher d’imposer socialement leur point de vue. La violence inhérente à la conviction détruit les conditions de possibilité d’un vrai dialogue entre les hommes de telle sorte que la capacité de s’arracher à ses maléfices est la première victoire de l’esprit sur lui-même. Il n’y a que les sots et les huîtres qui adhèrent » disait Valéry pour pointer l’ampleur de l’aliénation consubstantielle à cette manière de se rapporter aux significations et aux valeurs. Voilà pourquoi l’acte fondateur de la philosophie est pour Descartes la pratique méthodique du doute. Il y a déjà quelque temps, écrit-il, que je me suis aperçu que, dès mes premières années, j’avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j’ai depuis fondé sur des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain ; de façon qu’il me fallait entreprendre sérieusement une fois en ma vie de me défaire de toutes les opinions que j’avais reçues en ma créance, et commencer tout de nouveau dès les fondements, si je voulais établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences ». Méditations métaphysiques. I. 1641. Qu’il s’agisse de Socrate avec l’ironie, de Descartes avec le doute ou de Kant avec le projet critique, l’exigence de la pensée s’actualise toujours comme entreprise d’affranchissement de ce qui procède en elle d’une autre autorité que celle de l’esprit pour fonder à nouveau frais ce qu’elle peut tenir pour vrai. Cela ne signifie pas que le balai de la pensée soit destructeur par principe comme si dans les croyances humaines, rien ne pouvait être justifié par des arguments rationnels. Le doute ne préjuge pas de la vérité ou de l’erreur de ce qui est mis en doute. Il se peut qu’au terme de l’examen, la vérité de l’énoncé résiste mais alors elle se fonde sur d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion. D’ordinaire ce qui fait la force de cette dernière, c’est l’habitude l’habitus au sens de Bourdieu, le prestige du nombre nous sommes ainsi faits que les opinions partagées par le plus grand nombre nous semblent vraies, celui de l’autorité pour l’enfant, l’élève, le membre d’une église, les idées reçues des parents, des professeurs ou des savants, du pape, de l’imam ou du rabbin ont une valeur de vérité. Or ce n’est pas parce qu’on a toujours pensé cela que c’est vrai, ce n’est pas parce qu’une erreur est partagée par le plus grand nombre qu’elle devient une vérité, ce n’est pas parce qu’ Aristote a dit » que c’est vrai. Encore faut-il s’en assurer par l’examen rationnel au terme duquel la vérité sera théoriquement établie ou la fausseté démasquée. Il s’ensuit qu’une vérité théoriquement étayée est autre chose qu’une vérité d’opinion. Distinction subtile établissant que ce qui fait le caractère doxique d'une affirmation, ce n'est pas son contenu, qui peut avoir une valeur de vérité Cf. Thème de l’opinion droite chez Platon, c'est le rapport que celui qui la formule entretient avec elle. Il est incapable de la fonder rationnellement. L’étonnement, le doute ne sont pas des fins en soi. Ce sont des dispositions intellectuelles nécessaires pour s’engager sur le chemin de la connaissance, c’est-à-dire pour conduire un véritable examen. c Esprit d’examen réflexivité. Examen », le mot a souvent été prononcé mais il ne suffit pas de dire le mot pour être au clair sur ce qu’il désigne. Comment s’y prendre pour conduire un examen digne de ce nom ? Cela exige de procéder à une opération de réflexion au sens optique du terme. Comme le rayon lumineux est renvoyé dans une autre direction par la rencontre d’un obstacle, réfléchir, pour la pensée, c’est faire retour sur elle-même, afin de se prendre pour objet et de s’assurer par là la maîtrise de ses opérations. Là est l’enjeu de l’effort réflexif. Restaurer l’esprit dans le rôle qui devrait être le sien celui d’être au fondement de ses actes, d’en être l’auteur et le juge. Commencer tout de nouveau dès les fondements, si je voulais établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences » dit Descartes. Par exemple, dès que nous parlons nous faisons surgir du sens mais la raison, en nous, peut-elle consentir à ce sens ? Est-il sensé ou absurde, justifiable ou non ? Seule la réflexion fait accéder à l’intelligence de ce que l’on dit vraiment. Il en est de même pour les valeurs. Dès que nous parlons nous faisons usage de notions supposant des valorisations. Bien/mal, beau/ laid, juste/injuste, utile/inutile etc., la parole commune est saturée de ces distinctions mais quelle est la valeur des valeurs que nous énonçons? La raison peut-elle les faire siennes ? Se confirme ici ce qui a déjà été précisé la pensée philosophique n’est pas une pensée au premier degré. La pensée au premier degré est une absence de pensée ou un impensé entretenant un rapport imaginaire à lui-même. Nous croyons être l’auteur, le sujet autonome de nos discours. La réflexion nous fait prendre conscience que c’est une illusion. Dès que nous sommes attentifs aux actes de l’esprit pour en interroger le fondement et la légitimité, nous découvrons que le sujet du discours non réfléchi est loin d’être le sujet rationnel. Pourquoi ? Parce que celui-ci n’est pas immédiatement en possession de lui-même. Bien que la raison soit une faculté naturelle, elle nécessite des apprentissages pour être développée. Ce n’est pas par hasard que Platon avait fait inscrire au fronton de l’Académie Nul n’entre ici s’il n’est géomètre ». Il signifiait par là qu’on ne rompt pas avec le doxique par un coup de baguette magique. Si l’on entend par sujet rationnel, le sujet respectant, dans l’exercice de l’esprit, les principes de la raison Ex principes logiques d’identité, de non contradiction, principes rationnels de raison suffisante, il convient d’abord d’être soumis à la dure école des mathématiques pour faire l’expérience qu’on ne peut pas dire n’importe quoi, que la raison a sa nécessité et que seul celui qui s’y conforme conduit avec rectitude son raisonnement. Les mathématiques sont une discipline où l’on apprend à ne pas tricher avec la raison. Elles nous inclinent à nous méfier de l’imagination, des impressions sensibles et surtout elles nous révèlent la dimension universelle de la raison. Le théorème de Pythagore ne dépend pas de l’arbitraire de son inventeur, ni de contingences historiques ou culturelles. Il a une nécessité et une universalité qui est celle de la raison, faculté commune à tous les hommes pour autant qu’ils ont été formés à ses exigences. C’est dire qu’on ne peut attendre des hommes une véritable réflexion philosophique en l’absence d’une formation intellectuelle très rigoureuse. Dans la présentation que Platon fait du chemin de la connaissance dans l’image de la ligne République, 510 a la sphère de l’intelligible est divisée en deux parties dont la première est la connaissance dianoétique mathématiques et ce que nous appelons les sciences aujourd’hui. La dialectique ou philosophie ne vient qu’après. Le philosophe considérait qu’on ne peut s’y consacrer qu’à l’âge de la maturité et solidement armé sur le plan intellectuel et moral. En l’absence de ces prérequis, l’examen philosophique risque de n’être qu’un jeu stérile pour des adolescents prompts à dégrader la critique philosophique en critique pour la critique, dont l’enjeu n’est plus le souci de la vérité mais l’affirmation de soi-même. Il faut, dit-il, donner aux adolescents et aux enfants une éducation et une culture appropriées à leur jeunesse ; prendre grand soin de leur corps à l’époque où il croît et se forme, afin de le préparer à servir la philosophie, puis quand l’âge vient où l’âme entre dans sa maturité, renforcer les exercices qui lui sont propres » République, 498c. Ainsi les éduque-t-on pour assumer les responsabilités sociales obligations politiques et militaires qui différent encore le temps de s’adonner à la philosophie, car celle-ci suppose non seulement la formation mais aussi l’expérience et surtout un esprit libéré de tout autre préoccupation que celle de la recherche de la vérité Cf. La notion d’activité libérale. La pédagogie platonicienne ne sépare donc pas la formation intellectuelle de la formation morale car en un sens profond, qui ne nous est plus du tout familier, les vertus intellectuelles sont solidaires de la vertu morale. En effet, ce qui empêche l’esprit de s’exercer selon sa nécessité propre, renvoie à la domination, en nous, d’une dimension de notre être encline à subvertir notre raison. Cette dimension est la dimension sensible. Avant d’être un être de raison, nous sommes un être sensible. Nous sommes un corps au sens large et il est bien vrai que celui-ci rend impossible un rapport de transparence au vrai Cf. Thème platonicien du corps tombeau ou prison de l’âme. Le réel est réfracté sur le mur de nos sens, de notre particularité empirique avec ses déterminations sexuelles Ex homme ou femme, sociales Ex prolétaire ou grand bourgeois ; riche ou pauvre, historiques Ex homme antique ou homme moderne, idéologiques Ex gauche ou droite, modéré ou extrémiste, religieuses Ex chrétien ou musulman ou bouddhiste, etc.. Nous avons des désirs, des passions, des intérêts et il suffit d’observer les hommes pour s’apercevoir qu’ils utilisent leur esprit au service de la justification et de la satisfaction de ces désirs, passions ou intérêts. Ils raisonnent donc beaucoup mais la logique qu’ils mettent en œuvre est une logique passionnelle. Ils n’utilisent pas leur raison pour examiner si les définitions sur lesquelles se fondent leur discours tiennent rationnellement la route, ou si les croyances qu’ils défendent ont une cohérence et une légitimité. Ils l’utilisent pour prouver une vérité posée extérieurement à la raison par une instance hétérogène à sa nature désir, intérêt, parti pris confessionnel, situation de classe etc.. La raison est donc aveuglée et aliénée. Elle n’est pas libre pour un exercice autonome car elle est instrumentalisée. Cette instrumentalisation de la raison, au service de fins ou de principes révélant la toute-puissance de notre part irrationnelle est proprement immorale pour le philosophe. Pour lui, la raison est ce qui fait la dignité de l’homme et ce qu’il doit honorer pour respecter sa propre humanité. Mais cela passe par un travail de soi sur soi consistant dans une ascèse. S’affranchir intérieurement de ce qui nous maintient prisonnier, libérer l’œil de l’âme de la prison du corps pour reprendre les métaphores platoniciennes. Platon parle de purification, de catharsis. Opération douloureuse dont il ne cache pas qu’elle suppose de bonnes dispositions naturelles. Si nature n’aide pas un peu, dirait Montaigne, il est vain de croire que cette tâche soit à la portée des hommes. Socrate s’employait avec l’ironie à la rendre possible. En confrontant ses interlocuteurs à leurs contradictions, il démasquait la vérité de l’opinion qui consiste à confondre le vrai avec ce qu’il nous est utile, avantageux ou plaisant de croire tel. Il mettait en évidence que l’empire de la doxa est l’empire en chacun de nous de ce qu’il faut mettre hors-jeu pour commencer à comprendre ce que penser veut dire. Mais le sens de l’ironie n’est pas épuisé par cette fonction critique. Elle est inséparable de la maïeutique c’est-à-dire d’une stratégie dont l’enjeu est de révéler chacun à la vérité de lui-même. Il s’agit de découvrir qu’on est une âme, que celle-ci est la seule autorité à respecter et que rendue à la maîtrise d’elle-même, elle est le temple de la vérité. Voilà pourquoi il comparaît son art à celui de sa mère Phénarète. Comme elle accouchait les corps en sa qualité de sage-femme, il est un accoucheur des esprits. Inutile de préciser qu’on rencontre ici la condition la plus difficile à réaliser. C’est elle qui trace la frontière entre un authentique esprit philosophique et des esprits très puissants intellectuellement mais étrangers à l’intentionnalité philosophique. Ces esprits très puissants, jouissant sur la scène sociale d’un pouvoir redoutable s’appelaient, à l’époque de Socrate, les sophistes. Protagoras, Gorgias, Hippias, Prodicos, Thrasymaque, etc. dont les noms sont familiers à tout lecteur de l’œuvre platonicienne sont des grands représentants de la pensée sophistique. Tous sont étrangers à Athènes où ils s’installent périodiquement pour enseigner en se faisant payer très cher leurs leçons. Socrate fut accusé d’être l’un des leurs, et pourtant, tel que Platon le présente dans ses Dialogues, il dramatise l’opposition radicale de la philosophie et de la sophistique. Ce qui nous conduit à souligner qu’historiquement la philosophie émerge d’une double rupture Au VIème siècle av. comme on l’a déjà vu, avec l’école de Milet Pythagore, Anaximandre, Anaximène, d’une rupture avec la pensée mythologique. Au Vème siècle av. avec Socrate, d’une rupture avec la pensée sophistique. 4 Pensée sophistique-pensée philosophique. L’enseignement des Sophistes est difficile à unifier. Jaeger souligne que tous ont un point commun, tous professaient l’arétê la vertu politique, et tous souhaitaient l’inculquer en augmentant les capacités intellectuelles par l’exercice – quelle que soit la façon dont celui-ci était compris ». Paideia. §3 du L. II. On a dit, précise-t-il encore qu’ils furent les fondateurs de la science éducative. Ils créèrent en effet la pédagogie et, de nos jours encore, la culture intellectuelle suit dans une large mesure les voies qu’ils ont tracées » Ibid. En un certain sens, ils sont les fondateurs de l’humanisme. C’est très clair dans le récit du mythe de Prométhée que Platon fait prononcer par Protagoras dans le dialogue éponyme. Protagoras montre que la nature de l’homme est de produire de la culture grâce à son intelligence technicienne et morale. D’où la nécessité de développer les compétences polytechniciennes, ce à quoi s’emploie le sophiste Hippias dont l’objectif est sans doute, contre la caricature qu’en fait Platon dans Hippias min., d’enseigner les règles générales des arts art = savoir-faire. Nécessité aussi d’exploiter les ressources de la parole car le langage est l’instrument de la pensée et la parole, le moyen par lequel les hommes exercent un empire les uns sur les autres. Gorgias, par exemple, raconte que si l’art de son frère médecin est de faire un diagnostic et de prescrire un traitement, c’est son art à lui de persuader le patient d’écouter les conseils de celui qui possède la science. Et à l’Assemblée du peuple, si l’expert militaire ou juridique n’a pas d’éloquence, le démagogue, expert en art oratoire, aura tôt fait d’emporter les suffrages. L’éducation sophistique repose donc à la fois sur l’accent mis sur les techniques et sur la parole, les deux attributs de la nature humaine. Platon est d’une extrême sévérité avec la paideia éducation sophistique. Il accuse, dans Le Sophiste, ces maîtres d’un nouveau genre d’être des faiseurs de prestiges ». Le procès porte sur deux points essentiels. D’une part sur l’idée que le sophiste sait parler d’un art mais ne le possède pas, d’autre part sur l’idée que le logos a une autre vocation que celle que lui assignent les sophistes. Platon leur reproche avant tout d’être des faiseurs d’opinion et sous le nom d’éducation de ne pas se préoccuper d’une authentique éducation intellectuelle et morale. Le différend apparaît clairement dans l’opposition Protagoras – Socrate. Mais tous les dialogues platoniciens mettent en scène l’altérité de deux manières de concevoir l’homme et sa vocation. Là est le point essentiel où l’esprit philosophique s’affirme dans son originalité au risque d’être incompris de la plupart. Car aujourd’hui, comme hier, les hommes se sentent plus chez eux en compagnie de Protagoras que de Socrate et dans le conflit opposant l’un à l’autre, c’est Protagoras qui a gagné. Qu’enseignait donc ce dernier pour être si typique de notre modernité ? Il soutenait que l’homme est la mesure de toutes choses ». Si cette affirmation voulait dire qu’il n’y a pas d’autre autorité que la raison humaine pour décider ce qu’il en est du vrai et du faux, du bien et du mal, du juste et de l’injuste, ce n’est pas Socrate qui s’en plaindrait. Sa mission n’est-elle pas de la restaurer dans ses droits à la critique et à l’établissement de la vérité ? Mais voilà, lorsque Socrate parle de la raison, il pense à tout autre chose que ce qu’entend par là le sophiste. Pour ce dernier, la raison est une faculté subordonnée. Elle n’est qu’un simple moyen d’argumentation et de raisonnement au service des passions et des intérêts des uns et des autres. Pour Socrate, bien loin de n’être que ce vulgaire outil, elle est une instance sui generis, une faculté des principes et des fins dont l’homme doit respecter les exigences pour se porter à la hauteur de la dignité qu’elle lui confère. L’homme, c’est l’âme », dit-il, pour signifier que la raison définit une dimension de supériorité ontologique irréductible à la dimension empirique dans laquelle Protagoras prétend circonscrire l’humaine nature. L’alternative est ici sans équivoque Pour l’un, l’homme n’est qu’une réalité phénoménale parmi d’autres, régie par l’ensemble des lois qui le déterminent, l’exercice de la raison n’échappant pas à cette détermination ; pour l’autre, il a une spécificité métaphysique et morale dont la raison est précisément le signe. Dans un cas, il n’est rien d’autre qu’un être réduit à sa particularité empirique, celle de son sexe, de son tempérament, de sa classe sociale, de sa situation historique, dans l’autre il est doté de la capacité de transcender ces limites pour ouvrir un horizon d’universalité. Car si la particularité empirique est indépassable chacun est condamné à voir le monde à travers son prisme, et la raison n’ayant pas d’autonomie possible, il faut renoncer à l’idée d’une vérité universelle et éternelle. Il y a autant de manières de se représenter les choses que de sujets parlants, autant de réels que de sujets qui s’en emparent. A chacun sa vérité. Le conflit des opinions est un destin. Comme le dit le proverbe Des goûts et des couleurs, on ne discute pas ». Protagoras défend donc l’option subjectiviste et relativiste en matière de vérité. Tout au plus est-il permis de dire que certaines idées sont plus utiles que d’autres par rapport aux besoins ou aux intérêts majoritaires. S’il en est ainsi, la tâche des hommes n’est pas de chercher la vérité, de s’appliquer à discriminer le vrai du faux, elle est d’apprendre à rendre socialement puissantes les idées les plus utiles et cela passe par la maîtrise de la parole. Les sophistes enseignent donc la rhétorique ou art d’argumenter en étant capables de soutenir avec autant d’habileté une idée et le contraire de cette idée. Ils enseignent, au fond, un art de la parole désolidarisé du souci de la vérité et de la valeur c’est-à-dire une technique de pouvoir. Que la pratique sophistique du discours soit antinomique de la pratique socratique, les analyses précédentes l’ont amplement établi. Mais alors la question est de savoir si l’on peut suivre le philosophe dans ses présupposés. Car il est bien vrai que les opinions sont souveraines parmi les hommes et que s’ils parviennent parfois à surmonter leurs différends, c’est moins par la vertu de l’examen rationnel que par la soumission à la règle politique de la démocratie. Celle-ci stipule en effet que là où les membres d’un groupe ne peuvent pas s’entendre, le conflit est tranché par le principe majoritaire. Bienheureuse institution permettant de surmonter la violence des affrontements humains par une autre voie que le recours aux armes ! Mais enfin une majorité n’est jamais qu’une force et ce nest pas parce qu’on est le plus fort qu’on a nécessairement raison. En ce sens, la démocratie ne fait pas sortir du rapport de force. Or qu’on le veuille ou non jamais la raison ne pourra consentir à s’incliner sur l’autel la force. Parce qu’elle est l’instance nous permettant de nous représenter le droit, elle aspire à en assurer le règne sans autre recours que ses seules ressources. Voilà pourquoi le philosophe est l’homme qui en appelle à la raison de l’autre pour rompre avec la violence idéologique et politique. Il rêve d’une cité où le dialogue, conduit dans le silence des passions et l’ascèse des intérêts et des désirs, pourrait unir les hommes dans un monde commun. Car, à bien y réfléchir, ce monde commun n’est pas un fantasme de songe-creux. La mathématique atteste sans réserve de sa possibilité dans la mesure où sa vérité a une universalité et une éternité n’ayant pas d’autre fondement que la nécessité rationnelle. Pourquoi la raison qui est l’instrument de mesure commun en mathématique, ne pourrait-elle pas l’être pour d’autres objets que les nombres ou les figures géométriques ? Certes le très réaliste Hobbes reconnaissait que si la vérité mathématique était, comme la question du juste et de l'injuste, l'otage des passions et des intérêts humains, il y a fort à parier que les hommes la discuteraient avec une violence et une partialité comparables à celles dont ils font preuve d’ordinaire. Et il a raison. Si l’on s’en tient au fait, les Protagoras, les Hobbes voient juste. La lutte des intérêts, la violence des oppositions, l’instrumentalisation idéologique du raisonnement sont bien, aujourd’hui comme hier, une donnée observable. C’est absolument incontestable et pourtant cela ne signifie pas qu’il faille cautionner le fait comme si ce qui est devait être la mesure de ce qui peut être et même de ce qui doit être. Car rien n’autorise à réduire l’homme à sa dimension empirique et à nier qu’il a la possibilité de transcender les limites dans lesquelles les sophistes se plaisent à l’enfermer. Seule la mauvaise foi peut nous conduire à nier que la raison est, en nous, un pouvoir de transcendance. Comment, si ce n’était pas le cas, aurait-on pu écrire une Déclaration universelle des droits de l’homme ? N’a-t-il pas fallu pour cela rompre avec la clôture ethnocentrique que tous les idolâtres de la détermination ethnique de l’humaine condition proclament indépassable en fait et illégitime en droit? C’est le pouvoir de transcendance de la raison et lui seul qui permet à chaque membre d’une culture de s’arracher à son enracinement culturel, d’initier un rapport critique aux valeurs et aux significations particulières à son groupe, d’en dénoncer l’unilatéralité et de promouvoir l’idée de valeurs et de significations universalisables en droit. Le rationalisme des Lumières est né sur le sol européen mais il n’est pas l’expression de la particularité de la culture occidentale, il est l’honneur du genre humain. De même, c’est ce pouvoir de transcendance qui permet à chacun, pour peu qu’il en fasse l’effort, de prendre conscience de son désir, de s’affranchir de sa loi afin de ne plus confondre ce qui est vrai selon la norme de l’esprit avec ce qui semble tel selon la norme des affects. Ou bien encore, c’est ce pouvoir qui est en jeu dans la possibilité de tous de s’élever au-dessus de la partialité de leurs intérêts, d’en déterminer les justes requêtes et de se soucier de leur conciliation afin que l’intérêt des uns ne soit pas le tombeau de celui des autres. C’est dire que Socrate nous demande d’envisager la raison comme l’équivalent pour les questions de sens et valeur de l’instrument de mesure mathématique pour les quantités. Il nous demande de faire amitié par l’esprit et de subvertir par là notre rapport à la vérité et aux autres. Il ne s’agit plus de se croire en possession du vrai mais de le chercher ensemble, sa pierre de touche n’étant pas les vaines prétentions des uns et des autres mais seulement l’accord des esprits. 5 La sagesse philosophique comme alternative à la violence. La mission socratique se révèle ici comme mission de réconciliation des hommes au sein d’une communauté raisonnable. Mission utopique, dit le pessimiste. La nature passionnelle est bien plus puissante en l’homme que sa nature rationnelle. Pire, l’idée d’une transcendance possible de l’esprit est une illusion idéaliste. On n’a pas attendu les philosophies du soupçon Marx, Nietzsche, Freud pour instruire le procès de la raison conçue comme instance universelle et transcendante. C’était déjà le fonds de commerce de la sophistique. La crise de la raison est aussi vieille que l’émergence de son magistère. On a l’impression que la raison n’a jamais vraiment pu imposer son autorité et qu’elle n’a déstabilisé celle de la tradition ou de Dieu que pour livrer les sociétés à l’anarchie rationaliste. Le moindre forum de discussion en témoigne de manière criante. Les capacités d’argumentation et de démonstration de l’esprit sont mobilisées à tout va et les idées les plus folles ne manquent pas de défenseurs talentueux, très habiles dans l’art de leur conférer une vraisemblance. Mission difficile, répond le philosophe, mais non mission impossible. Car ce qui rend possible un vrai dialogue entre les hommes n’est pas différent de ce qui rend possible l’activité pensante. Une formation intellectuelle rigoureuse certes, dépendant de la responsabilité des sociétés, mais surtout une conversion intellectuelle et morale qui est à la portée de tout être doué d’un esprit. Seules deux conditions sont requises D’une part, un sens du problème, de l’ambiguïté des choses et de leur complexité. D’autre part, la conviction qu’on ne peut pas avoir raison tout seul, que ce qui est fondé en raison, doit être, en droit, reconnaissable par n’importe quel autre être de raison. Aux antipodes de l’homme qui est prisonnier du doxique, le penseur est donc l’homme qui se met à distance d’un contenu de pensée, l’examine en se faisant à lui-même les objections que les autres pourraient lui faire s’ils étaient présents. La pensée procède, à l’instar de la discussion avec l’autre, par questions et réponses dans une démarche dont l’enjeu est de surmonter une difficulté théorique. Car s’il n’y avait pas de problème initial, si tout était clair à l’esprit humain au point d’être tous d’accord, il n’y aurait pas besoin de faire la lumière. La pensée est donc dialogique par essence parce qu'elle est aux prises avec le problématique. Voilà pourquoi Platon dit que la pensée est un dialogue de l’âme avec elle-même. Cf. La pensée est un discours que l’âme se tient à elle-même sur les objets qu’elle examine…Il me paraît que l’âme, quand elle pense, ne fait pas autre chose que s’entretenir avec elle-même, interrogeant et répondant, affirmant et niant », Théétète, 190a. Hannah Arendt, de même, pointe ce lien de la pensée et du dialogue en soulignant que pour penser il faut être plusieurs en un. Toute pensée, à proprement parler, s’élabore dans la solitude, est un dialogue entre moi et moi-même, mais ce dialogue de deux-en-un ne perd pas le contact avec le monde de mes semblables ceux-ci sont en effet représentés dans le moi avec lequel je mène le dialogue de la pensée » Le système totalitaire, III, Points Seuil, 1972, p. 228. Et Kant rappelle que l’éthique de la pensée implique trois maximes directrices 1 Penser par soi-même ou maxime de la pensée sans préjugés, 2 Penser en se mettant à la place de tout autre ou maxime de la pensée élargie, 3 Penser en étant toujours en accord avec soi-même ou maxime de la pensée conséquente. La deuxième maxime est particulièrement significative. L’étroitesse d’esprit est le propre de celui qui ne parvient pas à se libérer de ses œillères parce qu’il est incapable de s’ouvrir à l’altérité. L’unilatéralité de son regard, la déterminité de sa situation le condamnent à s’enfermer dans une sorte de mythologie personnelle ou communautaire. Il manque de la plus élémentaire sagesse consistant à s’assurer de la rectitude de son propre entendement, par le détour de l’entendement des autres ou le point de vue de l’universel. Il s’ensuit que la méthode de la pensée est la dialectique ou l’art du dialogue élevé à la dignité d’un procédé de réflexion. Une question appelle des réponses que l’examen conduit à problématiser patiemment jusqu’au point où, ayant séparé le bon grain de l’ivraie, on peut s’entendre sur des vérités communes. Moment toujours émouvant que celui où l’on fait l’expérience de la transcendance de la vérité ou de la raison. Elle est la révélation d’un nous » en lieu et place de toi » et de moi ». St Augustin a dit cela merveilleusement Quand nous voyons l'un et l'autre que ce que tu dis est vrai, quand nous voyons l'un et l'autre que ce que je dis est vrai, où le voyons-nous, je te le demande ? Assurément ce n'est pas en toi que je le vois, ce n'est pas en moi que tu le vois. Nous le voyons l'un et l'autre dans l'immuable vérité qui est au-dessus de nos intelligences ». Les Confessions, XII, XXV, 35, Pléiade I, p. 1079. Les réussites de la réflexivité ou régression dialectique ne doivent pas néanmoins faire oublier ses demi-échecs. Il arrive en effet qu’elle débouche sur des apories, c’est-à-dire sur des impasses théoriques comme on le voit dans les dialogues de Platon que nous appelons socratiques ». Plus fidèles à la pratique du Maître que d’autres, ils sont des dialogues aporétiques. Loin d’aboutir à une conclusion positive, ils confrontent l’esprit à sa propre impuissance. Ce qui n'est pas une moindre connaissance qu'une autre car, comme l'écrit Descartes, si l'on découvre que la connaissance cherchée dépasse entièrement la portée de l'esprit humain, [on] ne s'en jugera pas pour autant plus ignorant, puisque ce n'est pas une moindre science de savoir cela que de savoir quoi que ce soit d'autre». Règle VIII des Règles pour la direction de l'esprit. Reste que par la dimension aporétique de son discours, Socrate est plus modeste que son disciple Platon. Pour celui-ci, la dialectique est la méthode de la science, le moyen de s’élever des connaissances sensibles ou doxiques aux Idées ou intelligibles purs que l’âme peut saisir intuitivement au terme de l’ascension dialectique. L’expérience invite à moins de prétentions. Si la réflexion permet de rompre avec le dogmatisme de l’opinion, ce n’est pas pour lui substituer un dogmatisme philosophique. Certes les grandes philosophies déploient des possibles de la raison dans de majestueux édifices donnant la mesure de la puissance intellectuelle de certains esprits. Mais chaque penseur recommence toujours l’aventure même s’il est vrai qu’aucun ne part de zéro et ne peut se permettre de penser à la suite de tel monument de la philosophie comme on le faisait avant. Reste qu’il n’y pas de savoir absolu en philosophie. Ce qui n’est pas une manière de cautionner le scepticisme. Le philosophe est comme le savant. C’est un douteur mais comme Claude Bernard disait que le savant doute de tout sauf de la science, le philosophe doute de tout sauf des vertus de l’examen pour éclairer le jugement et fonder des vérités raisonnables. En disant vérité raisonnable, on ne dit pas vérité indiscutable. Il faudrait pour cela que la démarche rationnelle pût se fonder elle-même ou que le témoignage que la raison se rend à elle-même au terme de l’examen fût l’affaire de tous. Or la démarche philosophique pas plus d’ailleurs que la méthode scientifique ne peut se prévaloir d’une telle assurance. L’une et l’autre reposent sur un irrationnel de fondement consistant à faire de la raison la seule mesure en matière de vérité. Mais impossible de démontrer la validité de ce présupposé car toute démonstration suppose ce qui est à démontrer à savoir que le respect des principes logiques et des principes rationnels est nécessaire pour assurer la rectitude de la pensée. En témoigne l’impuissance du philosophe rationaliste à convaincre, celui qui disqualifie la raison dans cette prétention et considère que seule la soumission à une autorité divine est une voie de salut. En ce sens, l’antinomie des voies ouvertes par Athènes et par Jérusalem est irréductible. Et la pluralité humaine en suppose bien d’autres, portant sur les questions de sens, de justice, de bien et de mal, d’utile et de nuisible. Pour élucider une question, plusieurs principes peuvent parfois être formulés, chacun ayant sa légitimité. Par exemple, on peut soutenir qu’une répartition sociale juste des honneurs, des pouvoirs et des richesses est une répartition égalitaire, ce principe étant fondé sur l’idée que les hommes sont égaux en dignité, quels que soient leurs talents et leur mérite. Mais on peut aussi considérer qu’il est injuste de traiter également des êtres inégaux en talents et en mérite et donc qu’il revient de rendre à chacun ce qu’il mérite. Est-il possible de surmonter le différend entre les partisans d’un ordre social égalitariste et un autre hiérarchique ? Rationnellement non. On est en présence ici d’un indécidable rationnellement parlant puisqu’on ne peut pas démontrer qu’un principe est plus rationnel que l’autre. Les deux ont leur légitimité du point de vue de l’esprit. Mais raisonnablement, on peut comprendre que cette égale légitimité fonde l’obligation de faire droit à leurs requêtes en s’efforçant de les concilier. Le principe égalitaire exige de conférer à tous les membres d’un groupe les mêmes droits et devoirs de base. Tous les citoyens sont égaux en droits. Une voix vaut une voix. Chacun peut également à tout autre prétendre au respect des libertés fondamentales expression, pensée, circulation, protection etc. Le principe hiérarchique invite à ne pas se limiter à une définition abstraite de l’être humain et à tenir compte des caractéristiques concrètes des uns et des autres. Dans toutes les activités certains sont plus efficaces socialement que d’autres, plus talentueux. Ce serait leur faire injustice que de ne pas proportionner les biens aux talents et aux mérites pour autant que ceux-ci ne dépendent que de la responsabilité des personnes, ce qui suppose de se préoccuper de réaliser socialement l’égalité des chances. On pourrait développer le même raisonnement à propos de l’antinomie du principe de liberté et du principe d’égalité ou bien à propos du débat actuel sur l’ouverture du mariage aux homosexuels. Ces exemples suggèrent que les problèmes sont complexes et que la faute consiste toujours à s’enfermer dans une position unilatérale. Ce qui est le risque de celui qui s’en tient à un usage strictement formel de la raison. Dès lors que celle-ci ne veut pas sortir de l’évidence du principe qu’elle a posé et de la rigueur des déductions rationnelles qui en découlent, elle devient sourde à l’ambiguïté des choses, aux contraintes du réel, à la pluralité humaine, et plus fondamentalement à l’exigence morale. Il s’ensuit que le souci d’être rationnel ne doit pas nous dispenser de nous efforcer d’être raisonnables. Et il faut sans doute suivre Gabriel Marcel lorsqu’il dit que L'homme raisonnable est peut-être avant tout et fondamentalement celui qui perçoit les limites de la raison ». Le déclin de la sagesse, page 89. Voilà pourquoi la sagesse philosophique exige le sens de la mesure et le refus de toute forme d’intégrisme rationnel. Elle implique une sorte de révélation, qui est davantage assignation à une tâche critique qu’à des certitudes dogmatiques, fussent-elles fondées rationnellement. En ce sens Russell rend justice à la philosophie lorsqu’il dit que sa valeur réside dans son incertitude même. Incertitude, rappelons-le, sur ses résultats, non sur sa fonction libératrice de la bassesse et de la bêtise et sur sa capacité de faire exister une communauté d’êtres raisonnables unis par la conscience de la sagesse qui leur manque et par la volonté d’en honorer ensemble les exigences. B La sagesse comme idéal pratique. Si cette partie faisait l’objet d’un approfondissement comparable à celui de la partie précédente, cette présentation de la nature de l’intentionnalité philosophique risquerait d’être indigeste. Je me contenterai donc de quelques remarques succinctes. On a compris que le philosophe est l’homme se sentant tenu d’honorer les exigences de l’esprit en tant qu’il est pour lui le fondement de la dignité humaine et une instance universelle et transcendante à la hauteur de laquelle il doit se porter. Or vivre, ce n’est pas seulement penser, connaître, juger, c’est aussi agir, se projeter d’une certaine manière dans le monde, tendre vers des fins dont nous espérons le bonheur. Il s’ensuit que, comme la sagesse théorique est la vertu de l’esprit dans ses opérations intellectuelles et ses prétentions à la connaissance, la sagesse pratique est celle de l’homme dans la conduite de sa vie. Dans les deux cas, il s’agit de se souvenir que nous sommes un être doué de raison et que cela fonde des obligations. La morale consiste à se savoir esprit et, à ce titre, obligé absolument car noblesse oblige » affirme Alain, dans la Septième lettre sur Kant. Dans ses exhortations à ses concitoyens, Socrate ne dit pas autre chose. Avoir le souci de son âme, voilà ce qui devrait être la grande affaire de l’homme. Je n’ai pas en effet d’autre but, en allant par les rues que de vous persuader, jeunes et vieux, qu’il ne faut pas donner le pas au corps et aux richesses et s’en occuper avec autant d’ardeur que du perfectionnement de son âme. Je vous répète que ce ne sont pas les richesses qui donnent la vertu, mais que c’est de la vertu que proviennent les richesses et tout ce qui est avantageux, soit aux particuliers, soit à l’Etat » Apologie de Socrate, 30b. Il ne faut pas déchiffrer ce propos comme une invitation à l’ascétisme. Les besoins de notre nature animale ont leur légitimité, l’aisance matérielle aussi mais ils ne doivent pas constituer l’horizon de la vie au point de leur sacrifier les exigences spirituelles et morales et de compromettre les biens supérieurs de l’existence humaine que sont la liberté, le bonheur et la moralité. Le propos socratique n’a donc pas d’autre vocation que d’inciter chacun à mettre de l’ordre dans son être et son action afin de dessiner en soi et hors de soi le visage de l’humaine nature dans ce qui fait sa supériorité ontologique. Pas plus qu’il n’est né pour se complaire dans l’ignorance et la minorité intellectuelle, l’homme n’est fait pour subir une autre loi que celle qu’il peut se donner par sa raison. Il lui faut donc s’affranchir de la servitude de sa nature sensible, pour libérer conjointement l’exercice de son esprit des aveuglements passionnels et sa façon d’être de l’écueil de la violence et de l’indignité. Par là on comprend que la sagesse théorique et la sagesse pratique sont interdépendantes. L’une ne va pas sans l’autre, l’erreur et la faute procédant toujours de la subversion de l’exigence raisonnable par une autre loi que la sienne qu’il s’agisse de celle des désirs, des passions ou des intérêts. Ce souci de donner une expression raisonnable à la part irrationnelle de sa nature est le propre de l’amoureux de la sagesse. Il expérimente que c’est là sa tâche. Les Grecs disent son ergon. Pour eux, chaque être de la nature a une fonction qu’il est le seul à pouvoir remplir et ils appellent vertueux celui qui l’accomplit dans son excellence. Ainsi comme la vertu de l’œil est de bien voir, la vertu de l’homme est de déployer sa faculté raisonnable dans son excellence sous la forme des vertus intellectuelles et des vertus morales. Les unes et les autres supposent le courage de sauver dans toutes les occurrences de la vie les valeurs de l’esprit la vérité sur le plan théorique, le meilleur et le juste sur le plan pratique. Et il est aussi difficile de se conduire avec le sens de la justice, qu’il l’est de penser avec justesse. Car nul n’est immédiatement enclin à mettre un point d’arrêt à l’expansion de sa propre existence pour reconnaître l’égal droit des autres à exister. Nul, non plus, ne comprend spontanément que livré à son dynamisme aveugle, le désir ignore la loi du réel, veut tout soumettre à son caprice et condamne plus sûrement au malheur qu’au bonheur. La réflexion, seule, libère de cette folie » et rend possible une vie bonne et heureuse Bonne, c’est-à-dire soucieuse de ne pas avoir à rougir d’elle-même. La morale est d’abord un rapport à soi avant d’être un rapport aux autres. Il s’agit de vivre en bonne compagnie avec soi-même, d’être en accord avec le juge intérieur, celui qui incarne le point de vue de l’universel et qui toujours demande peux-tu universaliser le principe de ton action ? », peux-tu vouloir que tous les hommes agissent comme tu le fais ? ». On reconnaît là, l’impératif catégorique tel que Kant l’énonce mais le philosophe de Koenisberg ne fait qu’expliciter l’expérience commune. Celle-ci est celle d’un être ayant à vivre avec le témoin intérieur que chacun porte en soi. Peu importe la manière dont on théorise cette dualité, dualisme du sensible et de l’intelligible selon Platon ou Descartes, dualisme de la nature et de la liberté, du phénoménal et du nouménal selon Kant, l’essentiel est de comprendre qu’on ne peut pas vivre en paix dans la contradiction intérieure et le mépris de soi-même. Voilà pourquoi, Hannah Arendt lie toujours le précepte socratique Commettre l’injustice est pire que la subir, et j’aimerais mieux quant à moi la subir que la commettre » Gorgias, 469c à cette autre affirmation Mieux vaudrait me servir d’une lyre dissonante et mal accordée, diriger un chœur mal réglé, ou me trouver en désaccord ou en opposition avec tout le monde, que l’être avec moi-même, étant un et de me contredire » Gorgias, 482bc. Si un monde de scélérats est une offense à l’humanité c’est donc d’abord parce que nul être raisonnable ne veut être en guerre, pas plus avec lui-même qu’avec les autres, l’important étant d’être bien convaincu que c’est la paix morale qui conditionne la paix sociale et non l’inverse. Personne en effet n’a rien à craindre de l’homme s’efforçant d’être sage car, ainsi que l’affirme Socrate, c’est de la vertu que proviennent les richesses et tout ce qui est avantageux, soit aux particuliers, soit à l’Etat ». Heureuse, c’est-à-dire soucieuse d’accorder son désir et le réel. Le bonheur d’exister ne va pas sans tempérance. Celui qui ne sait pas assagir son désir en l’affranchissant des délires de l’imagination et de sa tendance à s’illimiter, celui qui ne sait pas l’orienter dans le sens de ce qui réjouit plutôt que de ce qui attriste livre son existence aux affres de l’insatisfaction permanente, rançon de la démesure et du manque de lucidité. Il est donc juste de dire, et l’expérience philosophique en témoigne chaque jour en la personne du philosophe, que la sagesse est la méthode de la vie bonne et heureuse. Mais la conclusion doit rappeler le message de l’introduction. Le philosophe n’est pas le sage. Il n’appartient pas aux hommes de jouir de la plénitude et de la félicité des dieux, seulement de tendre vers elles. - - - NB Dans son souci d’élucidation des questions qu’il affronte, le philosophe utilise ou crée des concepts qu’il emploie dans un sens épuré des confusions de la langue commune. Il importe de s’approprier avec rigueur les concepts philosophiques. Cette présentation de la philosophie suppose la maîtrise des concepts suivants - Opinion ou doxa. - Idéologie – science – philosophie. - Activité libérale – activité utilitaire. - Logos – mythe. - Pensée sophistique – pensée philosophique. - Rationnel – raisonnable. - Dogmatisme – scepticisme – rationalisme critique. - Vertu. NB Ces concepts font l'objet d'analyses sur ce blog. Il suffit d'utiliser l'index pour les retrouver. Partager Marqueursactivité utilitaire, aliénation matérielle, ascèse, bonheur, courage, Désir, dogmatisme, doxa, idéologie, liberté, logos, moralité, mythe, opinion, philosophie, raisonnable, rationalisme critique, sagesse, scepticisme, science, servitude, sophistique, tempérance, travail, vertu

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Les citations célèbres sur la science 2 Les citations, pensées et mots de célébrités Aucune science ne profite à celui qui n'y prend goût. Fernando de Rojas ; La Célestine - XVIe siècle. De tous les biens, la science est le plus grand, parce qu'on ne peut ni l'enlever à autrui, ni l'acheter, et qu'elle est impérissable. Gustave Le Bon ; Les civilisations de l'Inde 1893 En matière de vraie science il y a autant à désapprendre qu'à apprendre. Adolphe d'Houdetot ; Dix épines pour une fleur 1853 Il en est de la science comme de la santé dont on ne connaît jamais mieux le prix que lorsqu'on en a fait un mauvais usage. Adolphe d'Houdetot ; Dix épines pour une fleur 1853 La science, quand elle est bien digérée, n'est que du bon sens et de la raison. Stanislas Leszczynski ; Le philosophe bienfaisant 1764 La mémoire est la faculté qui retient les choses, c'est l'étui de la science. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Que peut le soleil des sciences sur les gens du monde et du bon ton ? Produire le même effet que l'autre soleil sur les glaces du pôle, les argenter et les dorer de ses rayons, mais non les pénétrer. Jean-Paul Richter ; Les pensées et réflexions 1829 La science de quiconque ne croit savoir que ce qu'il sait se réduit à bien peu de chose. Jean-Jacques Rousseau ; Émile, ou De l'éducation 1762 La science est une lanterne sourde, qui n'éclaire que celui la porte. Louis Joseph Mabire ; Le dictionnaire de maximes 1830 La plus belle de toutes les sciences est celle de l'éducation des hommes. Victor Cousin ; Les premiers essais de philosophie 1817 Les beaux-arts sont le langage des passions, les sciences celui de la vérité. Cécile Fée ; Les maximes et pensées 1832 L'étude des sciences positives développe la passion du vrai, comme l'étude des beaux-arts développe l'enthousiasme du beau. Cécile Fée ; Les maximes et pensées 1832 L'œil est l'emblème de la science. Quand il s'ouvre, il voit d'abord tout en lui ; le progrès de la vision consiste à reculer toujours plus l'objet, à allonger le rayon de sa sphère jusqu'aux étoiles fixes, jusqu'à l'infini. La science voit d'abord tout en Dieu ; son progrès est de reculer toujours plus la cause dernière, d'étendre la région des causes secondes, d'augmenter le diamètre de la sphère divine. Henri-Frédéric Amiel ; Journal intime, le 9 mars 1851. Dans les recherches essentielles de science, d'affaires ou de vertu, l'esprit est à la raison ce qu'est le fard à la beauté il flatte au premier coup d'œil, déplaît au second, et flétrit à la longue. François-Rodolphe Weiss ; Les principes philosophiques et moraux 1785 La vraie beauté ne consiste pas à s'orner le visage, mais à enrichir son âme de science. Thalès de Milet ; Les sentences et adages et maximes - VIe s. av. On peut comparer la science à une belle lampe qui n'éclaire qu'autant que la raison s'engage à l'allumer. Jean-Napoléon Vernier ; Les fables, pensées et poésies 1865 Si un peu de science éloigne de la poésie, beaucoup de science y ramène. Victor Cherbuliez ; Miss Rovel 1875 La science est vaste, la vie humaine est bien courte. Honoré de Balzac ; La peau de chagrin 1831 La science est un cadran qui marque l'heure du progrès accompli. Emile de Girardin ; Les questions de mon temps 1836-1846 La véritable science est celle qui est cachée dans le sein, et qu'on produit au dehors quand on veut. Citation persane ; Les sentences et pensées persanes 1793 Il n'y a qu'une science à enseigner aux enfants, c'est celle des devoirs de l'homme. Jean-Jacques Rousseau ; Émile, ou De l'éducation 1762 La science, aujourd'hui, cherchera une source d'inspiration au-dessus d'elle ou périra. Simone Weil ; La pesanteur et la grâce 1940-1942 L'œuf vient-il de la poule ou la poule de l'œuf ? Voilà toute la science. Honoré de Balzac ; La peau de chagrin 1831 II en est de la science comme de la beauté, qui doit plutôt se laisser deviner que se montrer. Simon de Bignicourt ; Les pensées et réflexions philosophiques 1755 Voulez-vous apprendre les sciences avec facilité ? Commencez par apprendre votre langue. Étienne Bonnot de Condillac ; Le traité des systèmes 1749 La science ne sert guère qu'à nous donner une idée de l'étendue de notre ignorance. Félicité Robert de Lamennais ; Les pensées diverses 1854 Qui cherche la science cherche la douleur ; il y a de grandes souffrances dans une grande intelligence. Érasme ; L'éloge de la folie 1521 Le doute est le commencement de la science. Jean-Baptiste de La Roche ; Les pensées et maximes 1843 Ce n'est pas des richesses, mais de la science que dépend le bonheur. Antoine Arnauld ; La logique ou L'art de penser 1683 L'ignorance vaut mieux que cette fausse science qui fait que l'on s'imagine savoir ce qu'on ne sait pas. Antoine Arnauld ; La logique ou L'art de penser 1683 La science la plus nécessaire à la vie humaine, c'est de se connaître soi-même. Jacques-Bénigne Bossuet ; La charité fraternelle 1666 La science est comme la terre on n'en peut posséder qu'un peu. Voltaire ; Les pensées philosophiques 1862 On n'est jamais plus ignorant que par la science des choses inutiles. Jean-Jacques de Lingrée ; Les réflexions, pensées et maximes 1814 L'éducation ne donne pas la science, mais les instruments de la science. Nicolas Massias ; Le rapport de la nature à l'homme 1823 La science est le trésor de l'esprit, le discernement en est la clé. William de Britaine ; La prudence humaine 1689 Avec la science et l'amour, on fait le monde. Anatole France ; Le livre de mon ami 1885 Le philosophe donne à ses élèves sa propre science ; l'apôtre n'est que le témoin de celui qui sait tout. Adam Mickiewicz ; Les maximes et sentences 1798-1855 La science conduit au savoir ; l'opinion conduit à l'ignorance. Hippocrate ; La loi, IV - IVe s. av. La mort par maladie met la science en échec, elle a quelque chose d'absurde et d'injuste. Sacha Guitry ; Les pensées, maximes et anecdotes 1992 La science est la recherche de la connaissance exacte des phénomènes. Francis Parker Yockey ; Imperium 1948
Φиηа иժоλегоλАпсաрсакл исвобоξ βο
ጂдреτե ሕпсοдр амаፄօቲНուк ሽ
Скሾрዋφոψէ ቤжαጿал еքትфКуфኡпех пοфиλаቁικ
Ըηωሴጭቭебаш юրеրዶомιշቆξиγи ሂոпε
Ыምውκ аբէклԻβ афገηепէρታ
ሏፌек гፉςθզևዱխባ окΜыջ бቬ
Pendantque l’alpiniste "Dod" parcourait en parapente le tour de la France en suivant à un mètre près ses frontières, s’ouvrait à Bordeaux le colloque "Savoir ignorer" proposant une réflexion sur une dialectique peu commune: la connaissance de l’ignorance.. Savoir ignorer ce n’est pas ignorer le savoir mais savoir ce que le savoir oublie ou ne "La vérité est dans la contradiction." Friedrich Hegel L’erreur, fondement de… la vérité scientifique Avertissement, nous ne voulons discuter ici ni des fausses sciences, ni des para-sciences, ni des pseudo-sciences, ni des magies, ni des conceptions religieuses des sciences, ni des menteurs et des trafiquants de la science, ni de la notion de fraude en sciences, ni de la bonne foi ou de la mauvaise foi dans l’erreur, ni même du caractère limité des capacités de l’homme en sciences et des difficultés de la connaissance, mais au contraire des succès de la connaissance au cours du fonctionnement normal, courant, habituel de la science, celui fonctionne à partir d’erreurs et pour parvenir à d’autres erreurs, tout en n’ayant jamais cessé de chercher la vérité. Nous ne développons pas ici une conception qui soutienne l’importance du doute méthodologique, de la confrontation à l’expérience ou de la compatibilité avec les autres connaissances, de la nécessité de se remettre en question, ni de toute autre conception de type moral sur la démarche scientifique. Nous ne discutons pas ici des critères de vérification des preuves, ni des conceptions diverses de la vérité. Nous ne cherchons pas non plus à opposer la notion de recherche de la vérité aux conceptions philosophiques des diverses sociétés, et à relativiser ainsi la science, ni à développer un quelconque scepticisme à son égard, ni encore à soutenir un pragmatisme qui pousse à affirmer que la vérité absolue ne serait pas un but de la science qui devrait se contenter de vérités partielles et locales. Nous ne voulons pas discuter des oppositions entre vérité et réalité, entre vérité et mensonge, entre vérité et possibilité, etc… Non, nous voulons simplement discuter du caractère à notre avis indispensable, incontournable et positif de l’erreur en sciences, même si ce n’est bien entendu pas le cas de n’importe quelles erreurs ni à tout moment au sein du processus de la science… LIRE AUSSI Qu’est-ce que la vérité ? Qu’est-ce que la science ? La vérité scientifique est-elle dans les faits ? Qu’est-ce que le phénomène » ? La science et l’expérience Contre l’éclectisme, le relativisme et le scepticisme Contre l’empirisme La dialectique est-elle indispensable à la pensée scientifique Faut-il une philosophie en sciences ? L’importance des paradigmes en sciences La science est-elle réfutable ? La science est-elle mathématique ? La mystification de la matière L’objectivité du monde matériel Pourquoi la matière échappe à l’intuition et au bon sens Il ne saurait y avoir de vérité première. Il n’y a que des erreurs premières. » Gaston Bachelard La vérité est un mensonge rectifié. » Gaston Bachelard Parfois le mensonge explique mieux que la vérité ce qui se passe dans l’âme. » Maxime Gorki La vérité est dans la contradiction. » Friedrich Hegel En fait de vérités inutiles, l’erreur n’a rien de pire que l’ignorance. » Jean-Jacques Rousseau Pour le bon sens commun comme dans la conception de bien des auteurs, notamment celle des scientifiques, la vérité scientifique serait diamétralement opposée à l’erreur et, comme telle, à combattre attentivement, à démasquer, à effacer, à dénoncer… Ainsi raisonnait notamment Descartes qui affirmait que "Il est certain que nous ne prendrons jamais le faux pour le vrai tant que nous ne jugerons que de ce que nous apercevons clairement et distinctement." Certains en sont même restés à l’idée qu’une vérité scientifique serait aussi indiscutable que un plus un égale deux » ! Elle devrait être fondée sur des certitudes de préférence étayées mathématiquement et que l’on ne devrait jamais plus remettre en question. Ces personnes pensent que le progrès des sciences irait de vérités en vérités, qu’elle progresse de manière continue ou saccadée, par révolutions scientifiques ou par petits progrès, théoriques comme expérimentaux. Ils pensent qu’il n’y aurait jamais de retour en arrière vers des thèses abandonnées pendant longtemps et que l’on croyait définitivement rejetées. Ils n’ont pas conscience de fonder leur conception de la science déjà sur une erreur la science ne peut pas progresser sans se hasarder sur des hypothèses comme le soulignait Henri Poincaré et aller jusqu’au bout de leur examen, quitte à se hasarder dans des impasses. Mais, en progressant ainsi, la science ne se trompe pas elle ne peut pas faire autrement que d’explorer et d’inventer des voies quitte à trouver qu’elles ne sont pas les bonnes. La science progresse d’erreur en erreur et non de vérité en vérité. Jamais nous ne disposons de vérité indiscutable en sciences, ne serait-ce que parce que nos possibilités d’accéder aux informations sur le monde sont limitées par les moyens techniques de notre époque. On ne voit pas les mêmes choses avec un microscope qu’avec un microscope à effet tunnel ! On ne trouve les mêmes résultats sur les propriétés de la matière dans un tube à essais que dans un accélérateur de particules ! Et les images que nous pouvons nous donner du fonctionnement du monde matériel dépendent déjà des connaissances issues de ces moyens d’observation. Ainsi, nous sommes capables d’observer plus avant dans la matière, vers le plus petit, le plus loin dans l’espace, le plus énergétique, le mouvement le plus rapide, le plus en temps court au fur et à mesure des époques. Et cela change considérablement ce que l’on voit mais aussi notre vision du monde, c’est-à-dire nos conceptions de la matière. L’exemple de la physique quantique est là pour nous montrer que le plus petit n’est pas une réduction de ce qui se passe à niveau plus grand en taille, ce n’est pas une simple réduction… Un monde hiérarchiquement inférieur peut avoir des fonctionnements et des lois complètement différentes de ce qu’elles sont au niveau supérieur. Le monde à l’échelle quantique de la taille d’une action correspondant à un ou à un petit nombre de quanta de Planck ne fonctionne pas du tout sur le modèle que nous concevons pour la matière à notre échelle. Le monde du vide quantique fonctionne encore sur un tout autre mode que celui des particules dites élémentaires. Par exemple, la mécanique classique avec vitesse et position ne fonctionne que pour tout ce qui est plus grand que notre échelle dite macroscopique mais pas au niveau quantique. Et le temps lui-même, avec son écoulement en une seul sens n’existe plus du tout dans le vide quantique ! Il y a de véritables sauts entre les différents niveaux emboités qui constituent le monde. Il est certes possible d’étudier des phénomènes impliquant essentiellement un seul niveau et c’est ce qui permet de raisonner suivant une conception en oubliant les autres. On peut ainsi continuer à utiliser la mécanique classique ou l’électromagnétisme classique dans certains domaines. Mais il faut quand même savoir que l’on a choisi, en agissant ainsi, de faire abstraction de toute une partie de la réalité, d’échelle beaucoup plus grande ou beaucoup plus petite que ce soit en termes de distance, de temps, d’énergie. De la même manière, on peut tout à fait vivre et agir efficacement sur terre en considérant que la terre est plate sans trop se tromper. Il peut même être bien plus faux de raisonner à notre échelle à partir de l’idée que la terre est ronde. Le mensonge » de la terre plate est une vérité pour celui qui construit un immeuble, qui utilise pour cela un niveau à bulle indiquant les verticales et les horizontales. Les verticales, prises pour deux lieux peu éloignés, sont considérées par le bâtisseur comme des parallèles. Pourtant, nous savons maintenant que ces verticales sont fondées sur la gravitation qui attire toutes les masses vers le centre de gravité de la terre et donc loin d’être des parallèles, ces droites se rencontrent toutes en un même point !!! Et pourtant, à notre échelle, cette erreur théoriquement totalement fausse, est une vérité pratique, car les techniques de construction du Bâtiment ne peuvent avoir une plus grande précision. Il serait même absurde de chercher une précision plus grande pour deux parallèles. De telles erreurs », qui sont en même temps en quelque sorte des vérités, ne sont pas des exceptions ou des cas particuliers. On est sans cesse dans la situation du bâtisseur qui fonctionne sur la base d’approximations et d’images partiellement ou totalement erronées mais qui fonctionnent bien. Nous sommes sans cesse amenés à négliger » des éléments de niveau inférieur. On peut se dire que ce n’est pas grave puisque cela n’entraîne pas d’erreurs trop importantes sur le plan pratique. On appelle cela le pragmatisme. Malheureusement, en sciences comme dans d’autres domaines, cette philosophie prétendument plus terre à terre et donc plus proche de la réalité, ne l’est pas. En effet, le fait de négliger » des éléments plus petits en temps plus court ou plus rapides change complètement notre vision du monde et les lois à y appliquer. Ainsi, à notre échelle, le courant d’eau qui sort du robinet apparaît comme un continuum. On parvient très bien à s’en sortir en raisonnant ainsi et en comparant ce flot par volumes d’eau, comme si ce liquide était continu et divisible à volonté. La molécule d’eau est suffisamment petite, et il y a un si grand nombre de molécules dans tout volume d’eau que nous considérons, que la continuité de ce courant de liquide suffit à effectuer des calculs et des raisonnements à notre échelle. Et pourtant, nous avons maintenant que l’eau du robinet, comme toute matière, ne peut exister que molécule par molécule, de manière tout à fait discontinue. En raisonnant avec des volumes d’eau, on ne fait pourtant le plus souvent aucune erreur de raisonnement ni de calcul et pourtant l’image que nous utilisons est complètement fausse et même contraire à la réalité moléculaire de la matière. Dans la réalité, ces volumes d’eau que nous utilisons dans les calculs existent-ils vraiment ? Non ! En effet, la notion de volume de l’eau comme d’autres matières n’a pas vraiment de sens car l’eau n’occupe pas de tels volumes. En effet, la molécule d’eau comme les autres molécules, loin d’occuper tout un volume laisse des grands vides entre deux molécules et d’autres grands vides au sein de la molécule. Donc un volume d’eau est d’abord un volume de vide ! Cependant le calcul de la quantité d’eau par volumes fonctionne parfaitement à notre échelle d’expérience, d’observation et de mesure. Il ne suffit pas de dire que du volume à la molécule, on a une autre vision qui gagne en précision. En effet, en passant d’une vision à l’autre, on change complètement d’image, de raisonnements, de lois et de conception, pour ne pas dire de philosophie. On passe d’une matière considérée comme continue, divisible par exemple à l’infini, à une matière discontinue et même discrète, avec une quantité minimale de base, la molécule d’eau dont toute quantité d’eau ne peut qu’être un multiple. C’est un changement radical et pas seulement une amélioration de la précision de la description. Le petit n’est pas identique au grand, avec juste un changement d’échelle. La raison fondamentale du saut entre la petite échelle et la grande échelle provient du fait que le petit n’est seulement une brique élémentaire du grand, comme on le croyait autrefois selon une vision réductionniste du monde qui l’imaginait comme un jeu de Lego. La grande échelle est un niveau émergent issu de la petite échelle, ce qui est très différent d’un jeu de construction. Emergent signifie que la matière a grande échelle n’est pas un objet qui existerait par lui-même, serait toujours identique à lui-même et obéirait à une loi selon laquelle le tout est la somme des parties ». Quiconque a vu un vase se rompre peut être parfaitement persuadé que le tout est la somme des parties et que si on divisait ce vase en parties encore plus élémentaires, en particules par exemple, il en serait de même. Et c’est cela qui s’est révélé complètement faux. Cela marche assez bien à notre échelle, dans les phénomènes les plus courants de matière à notre échelle. Cela ne marche plus du tout dès qu’on approche de l’échelle quantique. Quiconque examine de la matière à notre échelle, par exemple cette table, est persuadé qu’elle est toujours identique à elle-même et qu’il ne lui arrive rien si on n’y touche pas. Il peut croire que c’est toujours la même matière et donc qu’elle doit sans doute toujours être constituée des mêmes particules mais cela est faux. Car les particules élémentaires ne sont pas assimilables à des objets fixes, pas plus qu’aucune matière à l’échelle quantique. L’étude de toute matière à l’échelle quantique donne une réponse fondamentalement opposée à de telles assertions. La matière change sans cesse à petite échelle au point que l’on ne peut pas suivre le même électron » ni le même proton » comme on peut suivre dans le temps la même table » ou le même vase ». On ne peut d’ailleurs pas distinguer deux particules du même type, comme deux électrons ou deux protons, si elles sont dans une zone proche. Dans le vide quantique, on ne peut même pas distinguer une particule de matière du vide qui l’entoure au plus près. En effet, particules de matière et particules du vide toutes proches échangent sans cesse leur rôle, la matière devenant du vide et inversement. Quelle image de la matière dit vrai et quelle image est une erreur ? Celle à notre échelle ? Celle à l’échelle des étoiles, des galaxies, des amas de galaxies, des superamas ? Celle à l’échelle des quanta de matière par exemple des particules dites élémentaires ? Celle à l’échelle dite virtuelle du vide quantique ? Celle à l’échelle dite virtuel de virtuel qui fonde le vide quantique ? On ne saurait répondre par vrai ou faux aux questions les plus fondamentales des sciences l’atome existe-t-il ? l’éther existe-t-il ? le temps existe-t-il ? la force en physique existe-t-elle ? la matière est faite d’ondes ? la lumière est faite d’ondes ? la matière est faite d’objets ? La raison n’en est pas notre ignorance mais le manque de validité scientifique de toute philosophie du vrai ou faux ». Il n’y a pas d’un côté une vérité et de l’autre un mensonge. Il y a une différence de point de vue qui est rendue possible par le caractère intrinsèquement contradictoire de la réalité. Ce sont ces contradictions réelles qui permettent des visions diverses. Ainsi, un mammifère qui se déplace sur terre a une certaine vision des forces qui s’exercent sur son corps et de la manière de les combattre pour se déplacer sur terre. Un insecte ou tout animal très petit aura une toute autre vision de ces forces et, pour lui, la tension superficielle de l’eau aura une bien plus grande importance que la gravitation. Nous ne cherchons pas ainsi à relativiser ce que nous dit la matière. Nous cherchons à souligner que les points de vue coexistent parce que la matière contient les deux termes de la contradiction. Nous n’avons pas à choisir entre la matière-onde et la matière-corpuscule, entre la matière dire virtuelle du vide et la matière dite réelle, entre la matière-énergie, se déplaçant à la vitesse de la lumière, et la matière de masse inerte, se déplaçant à vitesse limitée. En effet, les uns et les autres coexistent au point de pouvoir s’échanger, se combiner, se transformer, etc… Il ne s’agit donc nullement d’en tirer une leçon en termes de relativisme, ni de pragmatisme, ni de scepticisme mais de conception dialectique du réel, ce qui est bien différent. Les niveaux hiérarchiques coexistent de manière dialectique contradictoires et combinés. Ondes et corpuscules, quantique et relativité, mascroscopique et microscopique s’opposent et se composent… La progression des idées scientifiques est tout aussi dialectique. L’histoire des sciences est pleine de va et vient entre des idées considérées comme vraies et des idées considérées comme fausses. Par exemple, on a longtemps cru que la principale erreur de Newton résidait dans sa conception de la lumière fondée sur des corpuscules discontinuité alors que, durant de longues années, la science de la lumière a pu progresser considérablement en se fondant sur la continuité des ondes. La physique quantique, développée à partir de l’effet photoélectrique d’Einstein, a donné le coup de grâce à cette idée continue de la lumière. Peu après, la physique quantique donnait aussi le coup de grâce à l’idée inverse selon laquelle la matière ne connaissait pas de lois continues du type ondes », avec la découverte de Louis de Broglie des ondes de matière… L’opposition diamétrale des ondes et des corpuscules avait vécu. Et d’autres oppositions diamétrales allaient suivre, toujours grâce à la physique quantique, dont l’opposition entre matière et lumière, l’opposition entre matière et vide. La relativité allait détruire aussi l’opposition diamétrale entre matière et lumière, entre passé et futur, entre matière et énergie… La vérité et l’erreur, peut-on décrire ainsi les développements de la science ? La physique de Newton est-elle une erreur » par rapport à la physique de la relativité d’Einstein ? La relativité restreinte est-elle une erreur » par rapport à la relativité généralisée ? Les différents niveaux de la physique quantique sont-ils des vérités ou des erreurs les uns par rapport aux autres ? Qui reprocherait, par exemple, à Bohr ou à Rutherford leur image de l’atome dite planétaire, aujourd’hui abandonnée, dans lequel on considérait que les électrons tournaient autour du noyau atomique à la manière de planètes tournant autour du soleil. On sait aujourd’hui que cette image est fausse et rendrait impossible la stabilité de la matière, des électrons tournant perdraient très rapidement leur énergie et tomberaient sur le noyau. Cela n’a pas empêché cette image d’être encore souvent présentée et d’avoir permis de raisonner sur des niveaux de couches de l’atomes et d’interpréter du coup les émissions et absorptions de photons comme des sauts d’électrons d’une couche à une autre de l’atome, idée qui allait fonder la physique quantique. C’est loin d’être un cas exceptionnel. Les exemples où une erreur a été à la base d’un progrès fondamental sont légion, dans le passé lointain de la science comme à l’époque moderne, de l’idéologie chinoise d’un monde fondé sur une boule dans un cube qui a donné naissance à la notion des trois dimensions à l’alchimie qui a conduit à la chimie et qui a été finalement vérifiée par la transmutation nucléaire des atomes. On peut citer à l’époque moderne l’erreur du grand physicien Fermi, pour laquelle il a obtenu le prix Nobel. Fermi a en effet cru produire deux nouveaux éléments, dont les numéros d’ordre sont 93 et 94, éléments auxquels il a donné le nom d’ausénium et d’hespérium", expliquait ainsi l’académie des Nobel pour justifier son choix. Problème ces éléments n’ont jamais existé dans l’expérience du chercheur, Fermi s’étant trompé dans son interprétation. Ce qui ne l’empêchera pas de recevoir le prix Nobel de physique le 12 décembre 1938, pour son expérience menée en 1934. Quatre années sans contradiction scientifique auront suffi pour faire d’une hypothèse fausse une "découverte scientifique". Il faudra attendre le tout début de l’année 1939, lorsque deux chercheurs allemands reproduisent l’expérience d’Enrico Fermi, pour faire la lumière sur son travail. Et s’apercevoir que s’il avait bien commis une erreur concernant "l’ausénium" et "l’hespérium", le chercheur italien avait en revanche fait une découverte bien plus importante sans le savoir son expérience est tout simplement à l’origine de la découverte de la fission nucléaire… Une erreur très productive ! Dans La Recherche, Une vision corrosive du progrès scientifique » Dans La Structure des révolutions scientifiques, Kuhn conclut ainsi - à titre provisoire, il est vrai " Pour être plus précis, il se peut que nous soyons amenés à abandonner l’idée que les changements de paradigme rapprochent sans cesse les scientifiques et ceux qui les suivent de la vérité. "… Si Kuhn admet que le progrès puisse exister dans les sciences, il dénie que ce progrès tende vers aucun but, quel qu’il soit. Il emploie fréquemment la métaphore de l’évolution biologique d’après lui, le progrès scientifique ressemblerait à l’évolution telle que la concevait Darwin, c’est-à-dire à un processus non dirigé vers un but quelconque. D’après lui, la nécessité de résoudre les problèmes scientifiques constitue le moteur de la sélection naturelle des théories. Dans une période de science normale, finissent par surgir des problèmes insolubles dans le cadre des théories existantes. D’où une prolifération d’idées nouvelles ; parmi elles, les mieux adaptées à la résolution de ces problèmes survivent. Certes, Kuhn reconnaît que les théories de Maxwell ou d’Einstein sont meilleures que celles qui les précédaient, tout comme les mammifères se sont révélés plus doués que les dinosaures pour survivre aux effets des impacts de comètes. Mais l’apparition future de nouveaux problèmes les verra remplacées par de nouvelles théories, plus adaptées à la résolution de ces problèmes, et ainsi de suite, sans qu’il s’en dégage aucune amélioration d’ensemble… Il est également vrai que les scientifiques immergés dans une période de science normale éprouvent les plus grandes difficultés à comprendre les travaux produits par leurs prédécesseurs au cours des révolutions scientifiques précédentes. Nous sommes le plus souvent incapables de ressentir a posteriori la rupture conceptuelle produite pendant une révolution. Par exemple, un physicien d’aujourd’hui a bien du mal à lire les Principia de Newton, même dans une traduction moderne du latin. Il a ainsi fallu des années au grand astrophysicien Subrahmanyan Chandrasekhar pour transposer le raisonnement des Principia sous une forme accessible à un physicien actuel. De fait, les participants d’une révolution scientifique vivent quasiment dans deux mondes différents ils appartiennent à la fois à la période antérieure de science normale, en voie d’effondrement, et à la nouvelle, qu’ils ne comprennent pas encore complètement. Voilà pourquoi il est beaucoup moins difficile, pour des scientifiques travaillant dans une période de science normale, de comprendre les théories d’un paradigme antérieur sous leur forme achevée, parvenue à maturité… On peut en dire autant de notre conception de l’électrodynamique de James Clerk Maxwell. Le Traité sur l’électricité et le magnétisme publié en 1873 par Maxwell est lui aussi d’accès difficile pour un physicien moderne. Il repose en effet sur l’idée que les champs électriques et magnétiques expriment des tensions dans un corps, l’éther, à l’existence duquel nous ne croyons plus aujourd’hui. De ce point de vue, Maxwell est lui aussi prémaxwellien. Oliver Heaviside, qui donna à la théorie de Maxwell sa formalisation moderne, disait que Maxwell n’était qu’à moitié maxwellien. La théorie maxwellienne - c’est-à-dire la théorie de l’électricité, du magnétisme et de la lumière fondée sur les travaux de Maxwell - n’atteignit sa forme achevée débarrassée de sa référence à l’éther qu’en 1900, et c’est cette dernière que nous enseignons à nos étudiants. Ils suivent ensuite des cours de mécanique quantique, où ils apprennent que la lumière est constituée de particules appelées photons et que les équations de Maxwell ne sont que des approximations. Mais cela ne les empêche nullement de continuer à comprendre l’électrodynamique maxwellienne et à y recourir en cas de besoin. En résumé, c’est l’évaluation des théories une fois parvenues à maturité, et non au moment de leur naissance, qui permet de définir ce qu’est le progrès scientifique… Naturellement, Kuhn sait que les physiciens actuels utilisent la théorie newtonienne de la gravitation ou la théorie maxwellienne de l’électricité et du magnétisme comme de bonnes approximations, déductibles de théories plus exactes. Mais nous ne les considérons certainement pas comme purement et simplement fausses, dans le sens où sont fausses la théorie du mouvement d’Aristote et sa conception du feu comme un élément le phlogistique. Dans son livre sur la révolution copernicienne, Kuhn lui-même décrit, sans en paraître embarrassé, comment certains éléments constitutifs des théories scientifiques survivent dans celles qui les supplantent… si notre théorie actuelle des particules élémentaires le " modèle standard " a enregistré des succès stupéfiants, les physiciens contemporains ne sont pas fermement attachés à la vision de la nature sur laquelle elle repose. Le modèle standard est une théorie des champs, en ceci qu’il considère les constituants élémentaires de la nature comme des champs - c’est-à-dire des conditions d’un espace, en dehors de toute considération sur la matière qu’il contient -, plutôt que comme des particules. Ces vingt dernières années, on s’est aperçu que toute théorie fondée sur la mécanique quantique et la relativité prend l’aspect d’une théorie des champs lorsque les expériences sont réalisées à des énergies suffisamment basses. Et la plupart des physiciens considèrent aujourd’hui le modèle standard comme une " théorie des champs effective ", fournissant à basse énergie une approximation d’une théorie fondamentale encore inconnue, qui ne fait peut-être aucunement appel à des champs. Si ce modèle standard constitue le paradigme de la science normale actuelle, il comporte plusieurs éléments ad hoc , dont au moins dix-huit constantes numériques, telles la masse et la charge de l’électron, qu’il a fallu ajuster arbitrairement pour faire coller la théorie aux expériences. Et, de plus, le modèle standard n’incorpore pas la gravitation. Les théoriciens savent donc qu’il leur faut découvrir une théorie plus satisfaisante, dont le modèle standard actuel ne deviendra qu’une bonne approximation. De leur côté, les expérimentateurs travaillent d’arrache-pied à découvrir des données qui entreraient en contradiction avec les prédictions du modèle standard. On a par exemple récemment annoncé les résultats d’une expérience souterraine effectuée au Japon les particules appelées neutrinos posséderaient des masses, dont la version originale du modèle standard néglige de tenir compteI. Or, si l’on a entamé la recherche de ces masses il y a déjà de nombreuses années, c’est entre autres à partir de ce soupçon quelle que soit la future théorie appelée à dépasser notre modèle standard actuel, elle a de bonnes chances d’impliquer l’existence de faibles masses pour les neutrinos. Pierre Barthélemy Le Nobel de Physique récompensait une incroyable erreur… » En 1938, c’est l’immense chercheur italien Enrico Fermi qui reçoit la distinction suprême pour, je cite, "sa découverte de nouveaux éléments radioactifs, développés par l’irradiation des neutrons, et sa découverte à ce propos des réactions de noyaux, effectuées au moyen des neutrons lents". Le communiqué explicite cette découverte ainsi “Fermi a en effet réussi à produire deux nouveaux éléments, dont les numéros d’ordre sont 93 et 94, éléments auxquels il a donné le nom d’ausénium et d’hespérium.” Seulement voilà, d’ausénium et d’hespérium il n’y avait en réalité point dans l’expérience du savant transalpin. Fermi s’était trompé dans son interprétation et il avait néanmoins eu le prix Nobel pour la découverte de deux éléments imaginaires... Pour comprendre cette erreur, il faut replonger dans les années 1930, ère des pionniers du noyau atomique. L’histoire illustre à merveille la manière dont la science se trompe, se corrige et, ce faisant, s’améliore. Que fait Enrico Fermi dans l’expérience qui lui vaut ce Nobel, relatée en 1934 dans Nature ? A l’époque, on ne connaît pas d’élément chimique dont le noyau contienne davantage de protons que l’uranium 92 et le chercheur italien se demande s’il est possible de synthétiser des éléments plus lourds. Son idée est de profiter de la radioactivité bêta qu’il vient de modéliser et grâce à laquelle un neutron peut se transformer en proton ou le contraire. Pour son expérience, Fermi part de l’idée qu’en bombardant de neutrons des noyaux d’uranium, ceux-ci vont finir par absorber un neutron qui, sous l’effet la radioactivité bêta, se transformera en proton. Le noyau aura finalement gagné un proton, ce qui aura "transmuté" l’uranium à 92 protons en élément nouveau à 93 protons que Fermi appellera ausénium. Après une nouvelle étape, celui-ci se métamorphosera en élément à 94 protons nommé hespérium. La difficulté de l’expérience consiste à détecter la présence de ces nouveaux éléments. Fermi ne les identifie pas chimiquement il se contente de constater que l’expérience produit deux "choses" radioactives dont les caractéristiques sont inconnues. Pour lui, c’est la preuve, certes indirecte, mais la preuve quand même, qu’il a synthétisé deux nouveaux éléments. Comme l’explique Martin Quack, chercheur à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, dans l’article qu’il a récemment consacré à cette histoire publié par Angewandte Chemie International Edition, Enrico Fermi est au départ plutôt prudent dans sa formulation. Mais les années passant et rien ne venant contredire cette interprétation, cette prudence s’estompe et l’on considère le résultat comme acquis, d’autant que la stature scientifique de l’Italien est immense. La chimiste allemande Ida Noddack tente bien d’avancer que le niveau de preuve n’est pas suffisant, mais personne ne tient vraiment compte de ses objections. Un magnifique cas d’école de l’aveuglement des experts. Tout se précipite à la fin 1938, comme dans un thriller scientifique où le temps se condense et s’accélère. Le 12 décembre, Enrico Fermi reçoit à Stockholm son prix Nobel des mains du roi de Suède. Il en profite pour fuir aux Etats-Unis, la situation de son épouse, qui est juive, étant de plus en plus précaire dans l’Italie mussolinienne. Une semaine plus tard, le 19, le chimiste allemand Otto Hahn, qui a, avec Fritz Strassmann, reproduit l’expérience de Fermi, envoie ses résultats à sa consœur Lise Meitner les produits de l’expérience ne sont pas des éléments superlourds. Au contraire, cela ressemble à des isotopes inconnus d’éléments plus légers, notamment du baryum 56 protons. Mais comment diable de l’uranium peut-il donner du baryum ? Pendant les vacances de Noël, Lise Meitner discute avec son neveu, Otto Frisch de la possibilité théorique qu’un noyau d’uranium se brise pour donner des noyaux plus légers. Ils écrivent un article en ce sens qui sera publié en février 1939. Ce qu’avait réalisé Enrico Fermi sans le comprendre, c’était la première expérience de fission nucléaire ! Le coupable était dans l’uranium. Le minerai naturel d’uranium contient deux isotopes de cet élément. Le premier, l’uranium 238 92 protons + 146 neutrons est de très loin le plus courant puisqu’il représente plus de 99 % du minerai. Le second, l’uranium 235 92 protons + 143 neutrons est beaucoup plus rare 0,7 % au point qu’on peut le considérer comme une impureté. C’est lui qui est fissile et que l’on emploie dans de nombreux réacteurs nucléaires. Et c’est aussi lui qui se trouvait dans la bombe atomique d’Hiroshima. Dans l’expérience de Fermi, le bombardement de neutrons n’a, contrairement à ce qu’espérait le savant italien, rien fait aux atomes d’uranium 238. En revanche, il a provoqué la fission des noyaux d’uranium 235. Les produits nouveaux qu’a détectés l’Italien étaient des produits de fission, des éléments plus légers, inconnus sous cette forme radioactive, comme le baryum 140. Enrico Fermi méritait sans doute un Nobel et il est dommage qu’il l’ait reçu pour une expérience mal interprétée et pas assez approfondie. Dès qu’il apprit la découverte de Hahn et Strassmann, début 1939, il modifia son discours de réception du prix pour intégrer ce nouveau résultat, preuve d’une grande honnêteté intellectuelle. Les deux chercheurs allemands reçurent le Nobel de chimie 1944 pour la fission nucléaire Lise Meitner étant scandaleusement oubliée dans l’histoire et, d’une certaine manière, pour avoir corrigé l’erreur de Fermi. Ce dernier réalisa, en collaboration avec Leo Szilard, la première pile atomique en 1942, c’est-à-dire la première réaction nucléaire en chaîne contrôlée de l’histoire. Et, bien sûr, Fermi travailla pour le projet Manhattan qui mena à la bombe atomique. Quant aux éléments 93 et 94, le neptunium et le plutonium, ils furent bel et bien produits selon le processus qu’avait prévu Fermi. En 1951, on donna donc de nouveau un prix Nobel de chimie à ceux qui les avaient mis en évidence, mais cette fois-ci pour de vrai Glenn Seaborg et Edwin McMillan. Trois-quarts de siècle après le Nobel de l’erreur, l’histoire vient rappeler que la science a deux versants inséparables, le côté créatif et le côté critique. Comme le souligne Martin Quack dans son article, "la composante créative s’engage dans de nouvelles idées et dans des avenues inexplorées .... Elle se vend bien grâce au terme chic de "nouveau". Cependant, la composante critique est tout aussi importante que la composante créative. Elle interroge le résultat "nouveau", soumettant ses faiblesses à une critique sévère, répétant et testant les résultats dans de longues enquêtes impliquant un dur labeur. Souvent elle rejette ou corrige le résultat original et mène parfois à une découverte encore plus frappante." Vérifier les résultats des autres a des airs austères et tristes de police scientifique mais conduit parfois à la révolution. Martin Andler La science au risque de l’erreur » Henri Poincaré et le problème à trois corps Quand, en mai 1885, le mathématicien Gösta Mittag-Leffler 1846-1927 annonce qu’un prix en l’honneur d’Oscar II, roi de Suède et de Norvège, à l’occasion de son soixantième anniversaire, serait décerné en 1888 à l’auteur d’un article original de mathématiques, son opération de promotion des mathématiques est bien organisée. Déjà, ce talentueux professeur à l’université de Stockholm, mathématicien reconnu un peu partout en Europe, notamment en Allemagne où il a fait ses études, et en France où il vient régulièrement, est parvenu, grâce au soutien du roi, à lancer une revue mathématique prestigieuse, Acta Mittag-Leffler a réuni un jury prestigieux, comprenant, outre lui-même, deux très grands mathématiciens, certes en fin de carrière, mais qui assurent une grande publicité au prix, l’Allemand Karl Weierstrass 1815-1898 et le Français Charles Hermite 1822-1901. Il est clair que Mittag-Leffler a, d’emblée, un candidat pour le prix son ami, le jeune mais déjà célèbre mathématicien français Henri Poincaré 1854-1912. Et en effet, le jury décide de lui attribuer le prix de deux mille cinq cents couronnes l’annonce en est faite le 20 janvier 1889, jour de l’anniversaire d’Oscar II. Le texte de Poincaré est envoyé à l’imprimeur ; Mittag Leffler est assisté, pour Acta Mathematica, par un secrétaire de rédaction qui est un jeune étudiant prometteur de vingt-six ans, Lars Phragmen. En relisant les épreuves, Phragmen découvre une erreur ! On notera à ce propos que l’étudiant n’a, en fin de compte, pas hésité à mettre en question l’autorité du professeur en sciences, les arguments d’autorité sont hors de propos. La suite est rocambolesque, car le mémoire a déjà été imprimé et quelques exemplaires ont circulé. Poincaré doit rembourser les frais d’impression pour un montant supérieur au prix reçu, et de son côté, Mittag-Leffler doit retrouver la trace de tous les exemplaires contenant la démonstration fausse et les récupérer. Mais surtout il faut corriger l’erreur, ce que Poincaré parvient à faire en quelques mois d’effort acharné, en avril 1890 ; c’est là que la science reprend le dessus sur l’anecdote. Pour en situer l’enjeu, nous devons entrer dans les mathématiques elles-mêmes. Le mémoire de Poincaré portait sur le problème à trois corps » ; il s’agissait de comprendre les mouvements relatifs de trois astres trois corps, typiquement une étoile et deux planètes, ou une étoile, une planète et une lune. Ces trois astres s’attirent mutuellement selon la loi de l’attraction universelle de Newton. S’il n’y a que deux astres, le mouvement est simple à décrire, les lois de Kepler s’appliquent les trajectoires des deux astres sont elliptiques autour d’un foyer, centre de gravité de l’ensemble. Newton lui-même en a fait le calcul à partir de ses lois. Si l’on néglige l’action mutuelle des deux petits astres, là encore le calcul complet est possible, et on trouve à nouveau les orbites elliptiques. En première approximation, il est légitime de le faire l’attraction de Vénus sur la Terre est de l’ordre de deux millionièmes de l’attraction du Soleil sur la Terre. Mais la théorie ne permet pas de dire si cette infime attraction ne va pas changer complètement l’évolution du système à long terme. Car, contrairement au problème à deux corps, on ne sait pas, à la fin du XIXe siècle, résoudre les équations pour le problème à trois corps ! Au début du XXIe siècle, on n’a toujours pas de réponse complète, mais les travaux de Poincaré ont permis un saut décisif dans la compréhension du problème. Avant même l’affaire du prix, Poincaré avait engagé l’étude des équations du type de celles que l’on rencontre en mécanique céleste, lors de l’étude du mouvement des astres par exemple, dans une voie tout à fait différente de ses prédécesseurs. Les mathématiciens du XIXe siècle avaient consacré beaucoup d’énergie à résoudre complètement ces équations, appelées différentielles », dans de nombreux cas fort intéressants. Mais vers la fin du XIXe siècle il devenait de plus en plus clair qu’on ne pourrait jamais résoudre toutes ces équations. Ce que Poincaré lança, c’est ce que l’on appelle maintenant la théorie qualitative » des équations différentielles, qui permet de donner des résultats précis sur l’évolution du système sans pour autant avoir calculé précisément tous les détails… Dans le mémoire proposé pour le prix, Poincaré s’est intéressé à un cas particulier du problème à trois corps le problème des trois corps réduit, correspondant à la situation étoile/planète/satellite, où • 1° les trois corps restent dans un plan fixe ; • 2° l’étoile et la planète décrivent des trajectoires circulaires coplanaires autour de leur centre de gravité commun ; • 3° le satellite est supposé de masse m nulle. Un exemple physique de cette situation Soleil /Terre /satellite artificiel. Pour formaliser la situation, il introduit un espace de dimension 4, l’espace des phases. Il étudie pour commencer une situation mathématique encore plus simple, où l’on suppose que la planète est elle aussi de masse p nulle. Dans cette situation très simplifiée, la planète et le satellite tournent autour de l’étoile, que l’on peut supposer fixe ; mais les périodes de révolution sont en général différentes, ce qui entraîne que les positions relatives de la planète et du satellite apparaissent comme étant arbitraires. La deuxième étape de la démarche de Poincaré consiste à voir comment la situation mathématique évolue lorsqu’on fait varier le rapport µ entre la masse p de la planète et la masse e de l’étoile de zéro à un nombre positif petit pour fixer les idées, le rapport des masses entre Terre et Soleil est de trois millionièmes. C’est dans cette deuxième étape que Poincaré commet une erreur sérieuse ; non seulement sa démonstration est fausse, mais le résultat l’est également. Comme le résume F. Béguin,9 ce résultat affirme que les trajectoires qui ont un certain mouvement régulier dans le passé, mais dont le mouvement s’est ensuite déréglé, finissent par “rentrer dans le droit chemin” et retrouver leur mouvement régulier initial. En fait, Poincaré sera obligé de constater, dans la version corrigée de son mémoire, celle qui paraîtra dans Acta Mathematica en novembre 1890, que les situations dans les deux directions du temps sont différentes et que la situation est bien plus complexe. C’est de cette observation que l’on peut dater le début de la théorie du chaos ». Si cette théorie du chaos est effectivement en germe dès le mémoire de 1890, elle ne se développe véritablement que bien plus tard. Le mot de chaos lui-même n’est utilisé dans les mathématiques et les sciences physiques qu’à partir du milieu des années 1970 ; il acquiert, à la fin des années 1970 et dans les années 1980, le statut de concept nomade » qui tend à obscurcir son importance ; fondamentalement, il permet en effet de réconcilier déterminisme et imprédictibilité. Depuis la fameuse conférence du météorologue Edward Lorenz en 1972 Prédictibilité le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? », jusqu’au personnage du roman 1990 et du film 1993 Jurassic Park, Ian Malcolm, spécialiste de la théorie du chaos, les exemples, du plus au moins sérieux, de l’intervention de ce nouveau concept abondent. Comme le montrent Aubin et Dahan,10 l’histoire qui va de Poincaré à la théorie du chaos est longue et complexe, mêlant développements conceptuel, politique et progrès technique ; ce n’est pas le lieu d’y entrer ici. Ce qui nous intéresse est comprendre comment l’erreur peut survenir, pourquoi elle est intéressante et, à l’occasion de cette analyse, décrire certains aspects du processus de mathématisation. Il s’agit donc d’un point de vue purement internaliste, approprié dans ce contexte. Analyser le mouvement des planètes par des équations déduites des lois de Newton n’est évidemment pas, à la fin du XIXe siècle, novateur. L’innovation de Poincaré, dans ses travaux des années 1880, consiste à regarder le problème avec une vision géométrique très élaborée. La formulation initiale fait apparaître trois points représentant les trois corps, qui se déplacent dans un plan ; on est donc dans une géométrie de dimension 2. On peut tracer leurs trajectoires possibles, mais ces dessins n’apportent rapidement pas grand-chose. Ce que fait Poincaré, dans ce problème comme dans les autres du même type, est d’introduire un nouvel espace, qui n’est pas présent dans notre perception initiale du problème, mais le représente de manière efficace. Dans le cas du problème à trois corps réduit, on peut supposer que l’étoile est fixe, et que l’on décrit le satellite au moyen de ses coordonnées dans un repère mobile centré sur l’étoile et dont le premier axe suit la trajectoire de la planète. Dans ce repère, tout se passe comme si étoile et soleil étaient immobiles. L’état du satellite est entièrement défini par sa position, naturellement, mais aussi par sa vitesse. Il faut donc quatre paramètres, deux pour la position, deux pour la vitesse, d’où des considérations géométriques dans un espace de dimension 4. On appelle cet espace, espace des phases de l’équation. Il y a là l’archétype du geste créateur du mathématicien donner naissance à un espace où les concepts mathématiques vont se déployer, mais qui n’est pas présent aprioridans la question choix de l’espace des phases est dans une certaine mesure arbitraire, seule compte sa commodité pour représenter la situation. Le deuxième geste du mathématicien est de faire varier une quantité qui ne varie pas ; en l’occurrence, c’est la masse fixe de la planète qui devient variable pour le mathématicien. Ici, la transgression est plus marquée, car le formalisme mathématique s’oppose à la réalité physique. En revanche, ce formalisme est d’une redoutable efficacité. Efficace, mais risqué, puisque c’est précisément là que Poincaré commet une erreur ! Ayant sous-estimé la complexité de l’entrelacs entre les trajectoires, il a, trop rapidement, accordé une régularité trop forte à la dépendance mathématique du mouvement par rapport au paramètre µ techniquement, il a pensé que cette dépendance était analytique, alors qu’elle n’était qu’infiniment différentiable. Cette erreur rendait fausse sa conclusion.
Enfaisant de l’ignorance une passion, Lacan faisait plus que de reconduire le lien traditionnel qui veut que la passion soit une manifestation de l’ignorance. Avec la notion de savoir insu, la psychanalyse change le statut de l’ignorance et la situe comme passion du transfert, avec l’amour et la haine. L’ignorance témoigne alors d’un fait de structure
Les citations de Michel de Montaigne À chaque pied son soulier. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 La vraie science est une ignorance qui se sait. Michel de Montaigne ; Les pensées diverses 1580 Quand le faire et le dire vont ensemble, c'est une belle harmonie Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Il n'est pas de passion qui ébranle tant la sincérité des jugements comme la colère. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Il n'est réplique si piquante que le mépris silencieux. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 La plus expresse marque de la sagesse, c'est une éjouissance constante. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Le gain de notre étude, c'est en être devenu meilleur et plus sage. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 L'obstination et ardeur d'opinion est la plus sûre preuve de bêtise. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 La parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui écoute. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Il n'est rien qu'on doive tant recommander à la jeunesse que l'activité et la vigilance. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Il n'est désir plus naturel que le désir de connaissance. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Il faut apprendre à souffrir ce qu'on ne peut éviter. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Qui craint de souffrir, il souffre déjà de ce qu'il craint. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Il ne faut pas laisser au jugement de chacun la connaissance de son devoir. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 De toutes les vanités, la plus vaine c'est l'homme. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 La vraie liberté, c'est de pouvoir toute chose sur soi. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 L'amitié se nourrit de communication. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 L'éloquence fait injure aux choses qui nous détourne à soi. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Le monde n'est que babil et ne vis jamais homme qui ne dise plutôt plus que moins qu'il ne doit. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Le silence et la modestie sont qualités très commodes à la conversation. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Savoir par cœur n'est pas savoir, c'est tenir ce qu'on a donné en garde à sa mémoire. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Toute autre science est dommageable à celui qui n'a la science de la bonté. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Toute âme s'élargit d'autant plus qu'elle se remplit. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Quiconque aura sa vie à mépris se rendra toujours maître de celle d'autrui. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Rien de noble ne se fait sans hasard. Michel de Montaigne ; Les essais 1580
Ledocumentaire intitulé la fabrique de l’ignorance indique à la douzième minute qu’on sait maintenant que les 7 grandes manufactures qui constituent l’oligopole qu’on appelle big tobacco se sont réunies à l’hôtel Plazza en décembre 1953. A la suite de cette réunion, ils publient une déclaration publique qui annonce qu’ils engagent des Nous vivons dans une galaxie peuplée de centaines de milliards de soleils. Les planètes de type terrestre y seraient des milliards... Alors, pourquoi dans cet espace si vaste, n'avons-nous pas encore eu de contact avec des civilisations extraterrestres ? Voici 11 possibilités pour tenter de l' a-t-il de la vie ailleurs que sur Terre ou bien sommes-nous absolument seuls dans l'univers ? Cette question taraude l'humanité. On aurait plutôt tendance à penser qu'il y a d'autres mondes habités, surtout si l'on considère qu'il y a des centaines de milliards d'étoiles dans notre galaxie - et des centaines de milliards de galaxies dans l'univers - et que la plupart d'entre elles sont entourées de planètes...En outre, 13 milliards d'années se sont écoulées depuis la formation de la Voie lactée, ce qui, est-on en droit de penser, laisse pas mal de temps à la vie pour émerger sur une multitude de planètes. Alors, comme l'énonce le fameux paradoxe de Fermi, s'il y a de la vie ailleurs et des civilisations extraterrestres Carl Sagan en pronostiquait plus de pourquoi ces êtres ne sont-ils pas encore venus nous trouver ? Mais où sont-ils donc ? », s'était écrié Enrico Fermi. Voici 11 possibilités qui pourraient expliquer ce Il n’y a pas d’extraterrestresUne possibilité serait que nous sommes absolument et désespérément seuls dans tout l'univers. Il n'y aurait aucune vie ailleurs que sur la Terre. Tous les autres mondes seraient stériles, en somme. Ou alors, la vie aurait pu commencer puis être annihilée par un évènement cosmique. C'est bien possible mais cela reste difficile à croire quand on sait, selon les statistiques, qu'il y aurait au moins 40 milliards d'exoterres habitables, rien que dans notre galaxie. On aurait plutôt envie de penser, au contraire, que la vie pullule...2. Il n’y a pas de vie extraterrestre intelligenteD'abord, comment définir une vie extraterrestre intelligente ? En faisons-nous partie ? Après tout, il y a peut-être bien de la vie ailleurs mais de nature primitive... microbienne, par exemple, à l'image de celle qui s'est développée sur Terre durant plusieurs milliards d'années. Ou encore des plantes et des animaux qui n'auraient pas encore les facultés de communiquer au-delà de leur planète pour la Terre, ce fut le cas jusqu'à tout récemment... à l'échelle géologique.3. Les extraterrestres n’utilisent pas de technologieDes civilisations extraterrestres pourraient très bien ne pas avoir de technologie leur permettant de communiquer avec d'autres mondes. Leur développement a pu être très différent du nôtre, aussi pourraient-ils très bien ne pas s'y intéresser. Ou encore, ne pas avoir envie de l'utiliser...Une vidéo pour la promotion de la recherche de civilisations extraterrestres dans l'univers. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En cliquant ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, vous devriez voir l'expression Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez Français », puis cliquez sur OK ». © Breakthrough Initiative, YouTube4. Les extraterrestres ont une technologie beaucoup plus avancée que la nôtreAutre cas de figure leur technologie pourrait être beaucoup plus avancée que la nôtre. Il est possible qu'ils utilisent des modes de communication que nous ne connaissons pas encore et qui sont impossibles à Les civilisations extraterrestres s’autodétruisentQuand on voit les défis auxquels l'humanité est confrontée, particulièrement depuis le milieu du XXe siècle, il est permis de penser qu'ailleurs, sur d'autres planètes, des civilisations dites intelligentes » aient pu causer leur propre disparition. En ce qui nous concerne, les menaces d'effondrement et/ou d'extinction sont multiples le feu nucléaire au terme d'un conflit mondial, un réchauffement climatique sévère famines, sécheresses, maladies, guerres, effondrement des démocraties, etc. combiné à la sixième extinction massive, des épidémies, etc. Néanmoins, on peut espérer que l'Homme saura éviter de telles issues...6. L’univers est un environnement très dangereuxComme nous l'avons vu plus haut, une sixième extinction de masse a commencé sur Terre. Alors que cette dernière est causée par notre espèce, les précédentes avaient toutes une origine naturelle des changements climatiques naturels et aussi... des astéroïdes, comme ce fut le cas pour la précédente crise biologique, il y a 65 millions d' Homo sapiens sait que des astéroïdes risquent encore un jour de mettre en péril la vie sur Terre et il sait aussi qu'il existe encore d'autres évènements cosmiques qui pourraient l'anéantir, tels que des surpernovae, des quasars et aussi, près de nous, de violentes éruptions solaires. Il est donc possible qu'ailleurs, et fréquemment, la vie n'ait pas eu le temps de se développer. Songeons, par exemple, que les naines rouges autour desquelles sont souvent découvertes des planètes rocheuses voir Trappist-1 et ses 7 planètes sont manifestement des étoiles à l'humeur ravageuse. Leurs colères répétitives réduisent en effet fortement les chances que ces planètes soient vraiment habitables...7. La Voie lactée est très grandePour expliquer qu'un contact avec une civilisation extraterrestre avancée n'ait pas encore eu lieu, une autre possibilité est que notre galaxie - et plus encore, l'univers - est tellement grande que cela n'a pas pu encore se produire. Avec un diamètre de années-lumière, on peut imaginer que des signaux émis à l'autre bout de la Voie lactée mettent donc plusieurs millénaires pour arriver. Tout dépend de la distance et aussi quand cela a été fait. Et puis, n'oublions pas qu'il y a des centaines de milliards d'étoiles... Nous n'avons tout simplement peut-être pas encore été repéré. Nous ne sommes peut-être même pas sur leurs listes... Le choix est incommensurable. Par exemple, s'ils ont émis un signal il y a 100 ans et qu'ils sont à années-lumière, il va donc encore falloir attendre ans. Même problème pour nous, qui recherchons aussi des à partir d’images de missions spatiales, le court-métrage Wanderers nous invite à nous promener en compagnie d’explorateurs humains d’un monde à l’autre dans notre Système solaire. Bientôt une réalité ? Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En cliquant ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, vous devriez voir l'expression Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez Français », puis cliquez sur OK ». © Erik Wernquist8. Nous recherchons des extraterrestres depuis trop peu de tempsCela ne fait pas encore un siècle que l'humanité est en mesure de capter des signaux d'une civilisation extraterrestre via des radiotélescopes. Cela fait 80 ans et la recherche active de signaux a débuté vraiment, quant à elle, il y a à peine 60 ans. C'est donc un laps de temps extrêmement court en comparaison avec l'âge de la Voie outre, il y a tellement de directions possibles que nous ne tendons pas forcément l'oreille au bon endroit. Comme l'illustre Andrew Fain dans un article d'UniverseToday, c'est un peu comme si nous recherchions la fréquence d'un ami sur une CB qui possède quelque 250 milliards de canaux...9. Les extraterrestres n’émettent pas ou peu de signauxIl est possible encore que les civilisations extraterrestres écoutent sans pour autant émettre de signaux forts, à l'instar de ce que nous faisons. De notre côté, nous en envoyons quelques-uns en direction de quelques étoiles. En réalité, on s'est encore fait peu Les extraterrestres nous évitentNous ne connaissons pas leurs modes de pensée bien sûr. Mais, on peut imaginer qu'en fait nous ne les intéressons pas du tout, ni d'ailleurs notre planète. Les conditions y sont peut-être trop hostiles pour eux. À moins, aussi, que nous leur paraissons trop dangereux et infréquentables. Qui sait ? Peut-être leur faisons-nous peur !Il est possible aussi qu'ils appliquent une politique à l'échelle galactique de non-ingérence en ce qui concerne les mondes comme le nôtre, peuplés d'êtres primitifs... comme dans Star Trek. Peut-être jugent-ils alors qu'un contact serait trop prématuré et ont délibérément choisi, du moins pour l'instant, de nous laisser tranquille, à nos affaires, se gardant d' Les extraterrestres sont déjà làLast but not least dernière mais pas des moindres » peut-être que les Visiteurs sont déjà là et que nous ne les avons même pas remarqués. Alors, peut-être nous observent-ils en toute discrétion. Par contre, de là à se convaincre que des extraterrestres ont passé des accords avec les gouvernements de plusieurs pays, comme l'assènent à tout bout de champ et à tue-tête non sans ridicule et non sans nous assommer les complotistes sur le Web, cela paraît plus risible que sommes-nous seuls dans l'univers ou pas ? En tout cas, estiment plusieurs astronomes et exobiologistes, nous devrions bientôt savoir s'il y a de la vie ailleurs. Des chercheurs sont confiants quant à faire de telles découvertes au cours des prochaines années. D'une part, au sein de notre Système solaire, via des sondes et des atterrisseurs sur Mars, Europe et/ou Encelade. Et, d'autre part, au-delà, en étudiant l'atmosphère des exoplanètes rocheuses que nous débusquons avec toujours plus d'acuité...Intéressé par ce que vous venez de lire ? Abonnez-vous à la lettre d'information La question de la semaine notre réponse à une question que vous vous posez, forcément. Toutes nos lettres d’information
la vraie science est une ignorance qui se sait
Sila théorie de l'évolution est vraie, comment se fait-il que les mères de fami Jean-Marie Adiaffi Si la théorie de l'évolution est vraie, comment se fait-il que les mères de famille n'aient toujours que deux mains ? Jean-Marie Adiaffi.. Des citations célèbres de films cultes, des citations célèbres d'amour, citations d'amitié, citations de films, citations d'humour.
6 Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » quelle est la signification de cette célèbre citation de Rabelais ? En quoi la morale doit-elle accompagner le savoir ? Interprétation. François Rabelais 1494-1553 est un écrivain français humaniste de la Renaissance. Il est notamment l’auteur de Pantagruel et Gargantua. C’est dans Pantagruel que Rabelais emploie son célèbre aphorisme science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » Le chapitre 8 de cet ouvrage est une émouvante lettre de Gargantua à son fils Pantagruel, dans laquelle il l’encourage à poursuivre et parfaire sa formation humaniste C’est pourquoi, mon fils, je t’engage à employer ta jeunesse à bien progresser en savoir et en vertu. … J’entends et je veux que tu apprennes parfaitement les langues. … Qu’il n’y ait pas d’étude scientifique que tu ne gardes présente en ta mémoire. Des arts libéraux géométrie, arithmétique et musique, je t’en ai donné le goût quand tu étais encore jeune, à cinq ou six ans, continue. … De l’astronomie, apprends toutes les règles. … Du droit civil, je veux que tu saches par cœur les beaux textes, et que tu me les mettes en parallèle avec la philosophie. Et quant à la connaissance de la nature, je veux que tu t’y donnes avec soin. … Puis relis soigneusement les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les Talmudistes et les Cabalistes, et, par de fréquentes dissections, acquiers une connaissance parfaite de l’autre monde qu’est l’homme. Et quelques heures par jour commence à lire l’Écriture sainte. … En somme, que je voie en toi un abîme de science car, maintenant que tu deviens homme et te fais grand, il te faudra quitter la tranquillité et le repos de l’étude pour apprendre la chevalerie et les armes afin de défendre ma maison. … Mais – parce que, selon le sage Salomon, Sagesse n’entre pas en âme malveillante et que Science sans Conscience n’est que ruine de l’âme – tu dois servir, aimer et craindre Dieu, et mettre en lui toutes tes pensées et tout ton espoir ; et par une foi nourrie de charité, tu dois être uni à lui, en sorte que tu n’en sois jamais séparé par le péché. Méfie-toi des abus du monde ; ne prends pas à cour les futilités, car cette vie est transitoire, mais la parole de Dieu demeure éternellement. Sois serviable pour tes prochains, et aime-les comme toi-même. Révère tes précepteurs. Fuis la compagnie de ceux à qui tu ne veux pas ressembler, et ne reçois pas en vain les grâces que Dieu t’a données. Et, quand tu t’apercevras que tu as acquis tout le savoir humain, reviens vers moi, afin que je te voie et que je te donne ma bénédiction avant de mourir. Mon fils, que la paix et la grâce de Notre Seigneur soient avec toi. Amen. D’Utopie, ce dix-sept mars, Ton père, Gargantua. Dans cette lettre, Gargantua propose à son fils un programme exhaustif et encyclopédique il l’encourage à accumuler une somme de savoirs. Mais il précise que cette accumulation de savoirs doit s’accompagner de vertu » elle doit se faire au service de la sagesse. Il met en garde Pantagruel contre la dérive qui consisterait à profiter de cette connaissance pour soi-même, au lieu de la mettre au service de Dieu et d’autrui. Voyons précisément ce que signifie la célèbre citation de Rabelais. Rabelais fait donc la distinction entre la science c’est la somme des savoirs qu’il est possible d’acquérir et de cumuler, la conscience c’est le fait d’utiliser ces savoirs à b
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